Techniques de navigation en visibilité réduite
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Techniques de navigation en visibilité réduite

Quand il fait beau, tout le monde peut paraître comme un maître de la navigation. Mais c’est quand un blizzard ou un épais brouillard, aussi appelé un « white-out », survient que la maîtrise des techniques de navigation avancée devient importante. Rencontre avec Alexandre Byette, explorateur, guide certifié ACMG et AGPTA, ainsi que professeur de plein air au Cégep de la Gaspésie et des Îles.

En février 2014, les six membres de XP Antarctik sont partis en Antarctique pendant 32 jours, pour découvrir une région inexplorée et pour faire de la recherche scientifique. Après quelques jours sur la banquise, une tempête frappe et c’est le « whiteout ». Au total, l’équipe passera 17 des 32 jours d’expédition dans de telles conditions, dont les 11 derniers jours. « Je ne pouvais pas voir mon compagnon de cordée à 17 mètres de moi », se souvient Alexandre Byette, le chef d’expédition.

Navigant sur un territoire où les cartes n’existent pas, avec un itinéraire tracé avec des données extrapolées sur Google Earth, sur un champ de crevasse à flanc de montagne, les techniques de navigation acquises au fil des expéditions passées étaient de mise. D’autant plus que son bras droit, avec qui il s’occupait de la navigation, souffrait de mononucléose et peinait à simplement avancer.

« La tempête a duré deux semaines », ajoute l’aventurier. Au pire de la tempête, le groupe n’a franchi que 700 mètres sur le plat.

Crédit: Alexandre Byette

Naviguer dans le grand blanc, ça donne l’impression de se déplacer dans une balle de ping-pong, illustre Alexandre Byette. « Tu ne sais même pas si tu montes ou tu descends », dit-il. Ce n’est qu’en avançant qu’il est possible de distinguer des obstacles… comme des crevasses. Un des membres de l’expédition, François Mailhot, a d’ailleurs chuté dans une crevasse pendant la tempête, attirant deux autres personnes dans sa chute, car il était encordé. « En rétrospective, on est passé à un cheveu de tous y rester », note Alexandre Byette, un guide de montagne d’expérience qui a participé à plus d’une quarantaine d’expéditions dans près de 20 pays.

Même lorsque les dangers sont visibles, la navigation n’est pas de tout repos en Antarctique, alors imaginez ce que ça peut être dans un grand blanc! « On ne voit pas les dangers et la notion de risque est omniprésente », dit-il.

Heureusement, l’expérience des aventuriers les avait préparés à passer à travers un tel défi et à naviguer dans le néant pour revenir en vie.

Voici donc quelques techniques pour aider à naviguer dans la visibilité réduite, qui s’appliquent dans toutes les situations où il est impossible d’avoir un visuel sur l’environnement, tant dans un blizzard qu’au cœur d’une dense forêt.

S’arrêter

« Rester dans sa tente pour attendre que la tempête passe est totalement légitime », souligne Alexandre Byette. Surtout lorsque l’on peut avoir accès à un bulletin météo qui annonce une éclaircie, ou une amélioration de la situation. S’arrêter et rester sur place, un, deux ou voire trois jours est souvent l’option la plus sécuritaire, ajoute l’aventurier. Il faut bien sûr tenir compte de ses réserves de nourriture, mais il est préférable d’avoir faim en revenant d’une expédition, que de ne pas être en mesure de revenir…

Se localiser le plus précisément possible

Pour éviter les mauvaises surprises, il faut toujours savoir où l’on se trouve sur une carte, avec le plus de précision possible, lance Alexandre Byette. « Il vaut mieux être réaliste en acceptant un certain niveau d’incertitude, tout en essayant de limiter cette incertitude », dit-il.

Lors d’une expédition, une bonne connaissance des techniques de navigation avec cartes et boussole est nécessaire, mais l’utilisation de GPS peut aussi sauver des vies, car ces équipements permettent se localiser le plus précisément. Lors de XP Antarctique, le groupe était parti avec un seul GPS, avec peu de batteries, notamment parce que l’équipe préconisait des techniques « old school », note ce dernier. « C’était une erreur. À l’ère des technologies, il n’y a pas de bonnes raisons de ne pas avoir d’outils électroniques pour faire la navigation », dit-il, ajoutant que plusieurs applications permettent de se géolocaliser avec des téléphones intelligents, même lorsque l’on est hors réseau.

Des outils cartographiques, comme Forêt ouverte, permettent aussi de mieux voir la végétation sur des cartes, ce qui permet d’identifier des caractéristiques clés pour se localiser sur une carte.

L’écartement volontaire

Pour éviter les erreurs de navigation, il est préférable de s’écarter légèrement de la trajectoire voulue. Disons que vous voulez retrouver votre voiture stationnée sur le bord de la route, donne en exemple Alexandre Byette. Si vous visez directement la voiture et qu’à l’arrivée à la route, vous ne la voyez pas, vous devrez essayer au hasard de la trouver sur la gauche ou sur la droite.

Pour éviter une telle ambiguïté, il est préférable de viser délibérément un azimut à côté de la cible. Par exemple, en visant un peu trop à l’est, ma voiture se trouvera à l’ouest quand j’arriverai sur le bord de la route.

Viser un point plus gros ou une caractéristique facile à reconnaître sur le territoire, par exemple une rivière ou une montagne, pour faire une « erreur » volontaire d’azimut est aussi une solution pertinente… lorsque de telles marques sont visibles.

Suivre la rampe

Il existe des routes naturelles sur le territoire et il faut en tirer pleinement profit, surtout lorsque la visibilité est nulle. Par exemple, suivre une rivière est souvent la meilleure manière de se rendre du point A au point B. Cette technique, dénommée « handdrailing », dans la langue de Shakespeare, rallonge parfois le parcours, mais elle permet de suivre précisément son avancée sur une carte et d’éviter les erreurs. Une falaise ou une vallée peuvent jouer le même rôle pour simplifier la navigation, car « on peut même courir sans avoir à regarder constamment la carte », note Alexandre Byette.

Crédit: Alexandre Byette

Calculer la vitesse de déplacement

Pour bien suivre son avancée sur une carte, il faut connaître sa vitesse de déplacement. Alexandre Byette propose cette technique sur un glacier en cordée. « Tu marques un X au sol et tu calcules le temps que ça prend entre le premier et le dernier, dit-il. Tu répètes ces étapes sur une distance de 100 mètres et ça permet de calculer une vitesse assez précise. Avec l’azimut, il est possible de suivre l’avancée sur la carte et de minimiser l’incertitude ».

Segmenter l’itinéraire

Bâtir un itinéraire simple, avec plusieurs segments, est une stratégie gagnante, estime Alexandre Byette. « Ce n’est pas rare que je planifie jusqu’à 20 segments dans une journée, soit chaque fois que l’on doit changer de direction ou de stratégie », dit-il. Idéalement, de tels segments doivent être prévus pour être franchis même si la visibilité est nulle. Du moins, il faut prévoir différentes stratégies selon l’état de la visibilité. « Quand il fait beau, il faut en profiter pour regarder les caractéristiques du territoire pour penser à un plan B si la visibilité devient mauvaise », ajoute-t-il.

Fixer des objectifs clairs au départ

Parfois, il ne faut pas hésiter à rebrousser chemin. C’est d’ailleurs ce qu’Alexandre Byette a dû faire à quelques reprises lors de ces expéditions. « L’objectif premier est toujours de revenir sain et sauf et d’éviter les séquelles à long terme, dit-il. C’est important d’en parler à ses partenaires avant l’expédition, car ces discussions aideront à prendre des meilleures décisions dans une situation difficile, quand le jugement commence à être affecté et qu’on peut être obnubilé par l’objectif d’atteindre un sommet ».

De l’aide pour suivre une ligne droite

Dans un grand blanc, tout le monde devient instantanément pourri pour utiliser une boussole, note Alexandre Byette, car il n’y a aucun point de repère. Si vous ne le croyez pas, essayez de marcher 200 mètres en ligne droite les yeux bandés – un test qu’il fait avec ses étudiants.

Lorsque l’on travaille en équipe, notamment en cordée, il peut être plus facile pour la deuxième personne de diriger le convoi, en disant à la personne devant d’ajuster sa direction lorsqu’elle voit une bifurcation. C’est notamment la technique qu’a utilisée XP Antarctik. En chemin, il peut être pertinent de mettre des drapeaux au sol pour faciliter le retour.

Ces quelques trucs pourront peut-être vous aider un peu, mais rien n’égale l’expérience et la pratique. « Sortez dehors avec votre boussole et une chaudière sur la tête pour vous pratiquer à faire un parcours d’orientation », lance comme défi Alexandre Byette. L’acquisition de connaissances dans des cours pour parfaire les techniques et la préparation est aussi de mise. Finalement, la visualisation de scénarios catastrophe aide à se préparer mentalement à de telles situations pour bien réagir. « La recherche a démontré que ces trois éléments augmentent considérablement les chances de bien réagir dans une situation d’urgence », conclut Alexandre Byette.

Cet article a été rendu possible grâce au support du ministère de l'Éducation du Québec et son programme de soutien aux initiatives en promotion de la sécurité 2019-2022

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