Justine Bissonnette est diplômée de la technique de tourisme d’aventure au Cégep de Gaspé et poursuit maintenant ses certifications en plein air en Colombie-Britannique. Elle nous parle de son expérience de sept jours sur le glacier Peyto en Alberta, dans le cadre du diplôme Outdoor Adventure Guide de la Timberline Alpine Academy.
Ça a définitivement été la semaine la plus ardue de mon mois d’avril. Le plaisir de type 2 est au rendez-vous dans les lignes qui vont suivre ! Colère, tristesse, frustration, découragement, confusion, joie, fierté, optimisme, émerveillement et j’en passe. Durant une semaine en refuge sur le glacier Peyto, toute cette gamme d’émotions a été au rendez-vous.
Entre se réveiller à 5 h du matin, un cours de sauvetage en crevasse, skier 1000 m de dénivelé sur un glacier, un ski quasiment perdu en bas d’une paroi rocheuse, de la navigation en visibilité nulle jusqu’à Bow Hut et bien plus, une multitude de souvenirs inoubliables se sont gravés.
Jour 1
À 3 h 30 am, le 22 avril, mon alarme retentit. C’est le temps d’aller rejoindre mon groupe à Lake Louise pour la dernière grosse sortie de groupe de mon programme de guide. Encore très endormie, avec un peu moins d’une heure de sommeil, je me lève de mon lit. J’enfile machinalement les vêtements que je vais porter pour la prochaine semaine. Heureusement, tout est déjà dans mon Rav 4. Il ne me reste plus qu’à attraper mon déjeuner dans le frigo et mes clés. Je prends quelques secondes pour apprécier les étoiles dans le ciel, ainsi que la brise de fin d’hiver sur mon visage, puis je saute dans ma voiture.
Après une heure à sillonner une route où se trouvent une panoplie de sommets enneigés à couper le souffle, j’arrive à ma destination. C’est dans ce petit village montagnard, emblématique du parc de Banff, que mon aventure commence.
Il est à peine 5 h 45 am et nous sommes déjà en train de traverser Bow Lake en ski de randonnée. Au loin, nous apercevons les premières lueurs du soleil se dessinant dans les montagnes, c’est magnifique. 14 km avec 760 m de dénivelé ainsi que des sacs à dos d’au moins 50 lbs jusqu’à Peyto Hut, c’est ce qui nous attend pour la première journée.
Un des éléments cruciaux de la route que nous devons parcourir aujourd’hui est d’évaluer tous les couloirs d’avalanche que nous traversons. Une autre difficulté reliée au trajet est le gain de dénivelé n’étant pas graduel. Il est réparti sur les derniers kilomètres que nous devons faire. Je peux donc vous assurer que lorsque nous avons vu Peyto Hut au loin, des sourires sont réapparus au sein de la troupe. Une heure et demie plus tard, le souper était servi et nous étions déjà en train de planifier la journée du lendemain.
Jour 2
Lorsque j’ouvre les yeux, je vois le ciel rose et mauve à travers la grande fenêtre givrée du refuge, ainsi que l’immensité du glacier se dressant devant nous. Quelques secondes plus tard, l’odeur du bacon et des hashbrowns vient chatouiller mes narines. Pendant que d’autres s’empressent de faire leur sac pour la journée, plusieurs sont dehors pour photographier Mont Baker, Mont Habel, et Tilley Peak.
Ce matin, avant notre objectif de la journée, c’est la pratique de sauvetage en crevasse. Emmitouflée dans mon gros manteau en duvet, munie de mes bottes de ski et d’un piolet, je suis suspendue à une corde d’escalade. Ça fait maintenant plus de 20 minutes que j’attends que mes deux partenaires me remontent. Ça me donne un peu de temps pour me préparer mentalement aux 700 m de dénivelé sur 7 km que nous allons gravir aujourd’hui.
Quand la pratique de sauvetage est finie, nous entamons notre journée en direction de Mount Habel. Notre professeur prend la tête du groupe, et nous comprenons tous que nous allons aller bien plus loin que notre objectif principal... Lors de la deuxième pause, je regarde mon amie derrière moi, et elle est aussi incrédule que moi. Après avoir dépassé une grosse crevasse, quasiment de la taille d’un petit autobus scolaire, je me rends compte que nous nous dirigeons vers le début de la crête de Mount Habel. Tout en gravissant les derniers dénivelés avant le faux sommet, nous faisons mine de garder de l’espace entre chacun d’entre nous pour gérer le risque d’avalanche. Une fois en haut, je suis sans mots, la vue est magnifique et, bizarrement, le vent se fait rare. Des sommets enneigés à perte de vue, des glaciers immenses et aucun nuage. C’est ce qu’on observe en silence en se préparant pour skier 1000 m de dénivelé dans la poudreuse.
Mes skis flottent dans la neige, le vent fouette mon visage empreint du plus gros sourire de mon mois d’avril. Mes jambes font tellement mal, mais c’est la plus belle descente que j’ai jamais faite. Une fois arrivés tout en bas, certains commencent à remettre leur peau de phoque, tandis que d’autres sont encore en train de s’époustoufler de ce que nous venons tout juste de vivre.
Une heure et demie plus tard, nous sommes tous réunis dans Peyto Hut, autour d’un bon souper. Nous parlons de notre aventure qui a pris une tournure bien différente de ce que nous pensions. Toutefois, il n’y a aucun doute que ça en valait exceptionnellement la peine.
Jour 3
Tout juste sortis du refuge, le vent nous fouette le visage plus que jamais. C’est à peine si nos skis plantés debout dans la neige en face de nous ne partent pas au vent. Mettre nos peaux de phoque devient vraiment la tâche la plus ardue du matin. De peine et de misère, tout le monde est finalement prêt à partir. Sauf un étudiant du groupe n’ayant pas encore ses skis aux pieds. Lorsque celui-ci dépose ses skis dans la neige et avance pour mettre sa botte dans son ski à droite, une bourrasque de vent se lève soudainement. Il ne s’est même pas écoulé une minute que son ski dévale la paroi rocheuse se trouvant juste en face du refuge… Nous savons tous que perdre un ski n’est aucunement une option dans cet endroit. C’est donc la chasse au ski perdu pour un bon 30 minutes. Au bout de ce qu’on pensait être la fin de la recherche, nous voyons soudainement apparaître notre professeur et deux autres étudiants, un ski à la main avec le sourire aux lèvres.
Trois heures plus tard, nous sommes en train de creuser un snow pit pour évaluer les risques d’avalanche du couloir que nous voulons skier. Les risques étant 50/50, notre professeur a le dernier mot pour décider si c’est une bonne idée de bootpacker le couloir. À notre étonnement, nous nous retrouvons à le suivre. Je me retrouve donc en train d’aider mon groupe à attacher leurs skis sur leurs sacs pour aller rejoindre notre professeur déjà en haut. Le vent est tellement fort que je dois me concentrer pour respirer au fur et à mesure de la montée. Pour y arriver, je me répète continuellement, un pied à la fois. Rendue au sommet, je me dépêche de revêtir mon gros manteau en duvet puis de sortir du thé de mon sac à dos. Une fois tout le monde arrivé en haut, on se fait un gros câlin d’équipe puis rapidement nous nous préparons pour skier ce que nous venons de gravir. Deux heures plus tard, nous sommes tous au chaud dans Peyto Hut, un thé à la main, en contemplant la ligne que nous avons faite aujourd’hui. C’est malheureusement notre dernière nuit ici, demain nous partons vers Bow Hut.
Jour 4
Ce matin-là, lorsque je me réveille, je suis perplexe. Il est impossible de voir l’immense glacier en face de Peyto Hut et la bécosse à 25 m plus loin. Tout ce qu’on entend, c’est le vent qui frappe sur les murs du vieux refuge. Dehors, tout est blanc, la neige virevolte dans tous les sens. Heureusement, nous avons rentré nos skis à l’intérieur la veille. La journée de navigation jusqu’à Bow Hut s’annonce bien intéressante… Ce système de basse pression va nous donner du fil à retordre, j’ai l’impression.
Au son des dernières boucles de nos gros sacs d’expédition qui se referment, nous quittons le refuge pour entamer nos premiers kilomètres en visibilité nulle. GPS, boussole, carte, j’avais tout sorti. Même si ce n’était pas moi qui menais cette partie du trajet, je voulais m’assurer que nous allions dans la bonne direction. Durant les deux premières heures, j’avais l’impression de ne pas avancer tellement le vent était fort. De peine et de misère, nous avons gravé nos premiers kilomètres. Ce qui est difficile dans ce genre de météo, c’est non seulement de rester motivé soi-même, mais aussi de garder son équipe déterminée à continuer d’avancer.
Une heure plus tard, le groupe de trois en avant décide de nous laisser la deuxième et dernière partie du trajet. Une part de moi est heureuse de pouvoir tester mes acquis dans une telle météo. Je prends donc la tête avec enthousiasme en sortant ma sonde d’avalanche pour sonder le terrain. Peu de temps après être repartis, je vois au loin ce qui semble être une crevasse. Plus j’avance en sondant autour de moi, plus la crevasse prend de l’ampleur. Quelques minutes plus tard, nous sommes à côté d’une crevasse grosse comme deux limousines, puis à 30 m de nous vers la droite, il y en a une autre bien similaire. Je m’empresse de traverser cette région du glacier pour reprendre mon rythme de croisière une vingtaine de mètres plus loin. Au soulagement de tout le groupe, les nuages commencent à se dégager et nous pouvons voir au loin l’incontournable St-Nic Peak et l’Oignon, un petit sommet à côté de Bow Hut.
Après un bon trois heures, nous ouvrons enfin la porte du grand refuge Bow Hut. Il ne faut que quelques heures avant que nous soyons tous endormis, rêvant à la journée du retour.
Jour 5
Il est 8 h du matin, et pour la dernière fois de la semaine, nous analysons en groupe le couloir d’avalanche que nous devons skier. Autour de nous, des petites avalanches de neige lousse tombent sur la paroi de roche et de glace tout juste en face. Comme nous n’avons pas vraiment le choix de descendre par ce chemin, nous prenons la décision de le skier un à la fois, en nous rejoignant au "safe spot" que nous avons déterminé tous ensemble.
Après la descente, nous nous empressons de passer en mode randonnée. Le premier groupe prêt nous ouvre la voie en traçant un beau "skin track". À mi-chemin, nous accélérons la cadence en passant sous plusieurs couloirs d’avalanche. Nous remarquons même qu’un de ceux-ci a lâché durant nos quatre jours à Peyto Hut.
Lorsque nous voyons enfin Bow Lake, la conversation reprend de bon train et quelques rires fusent à l’arrière. Cependant, juste avant de traverser le lac, je me retourne et vois un de mes amis en train de déterrer des vêtements de la neige. Deux chandails, une paire de shorts, des pantalons, une chemise à carreaux, une casquette, des boxers et des bas sont étendus sur la neige. C’est très étrange, surtout compte tenu que les vêtements semblent vieux. Bref, après cette pause spéciale, nous reprenons notre chemin sur Bow Lake.
Je ne saurais vous décrire notre sentiment d’accomplissement au moment où la dernière personne du groupe finit de traverser le lac. Dans le stationnement, le directeur de notre programme nous attend avec des chips, des Gatorades, des oranges, des pommes, des biscuits et du jus. Nous n’aurions pas pu demander mieux pour finir notre diplôme de guide d’aventure.
Toutefois, juste avant de quitter Bow Lake, je prends une dernière photo pour rire de mon ami avec les morceaux de vêtements qu’il a trouvés plus tôt.
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