Le Couloir Poquito: une aventure purement nord-côtière
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Le Couloir Poquito: une aventure purement nord-côtière

Après être tombé par hasard sur une cascade en plein été sur la Côte-Nord, Nathan Boily-Brisson ne peut plus oublier cette ligne potentiellement skiable. Il nous raconte les péripéties qui l'ont mené à ce qui est potentiellement une première descente du « Couloir Poquito » .

Il y a plus de dix ans, je suis venu m’installer sur la Côte-Nord et j’ai vite compris que le potentiel d’aventure était sans limites sur ce paradis sauvage et peu fréquenté. Je n’ai jamais été une personne attirée par les sports motorisés donc j’explore le territoire lentement, à un rythme humain.  

Naissance du projet

Un soir de juin en 2018, je pagayais en canot sur le réservoir Saint-Marguerite pour profiter de la fin de journée sans vent. Au détour d’une petite île sur la rive Ouest, je suis arrivé au bas d’une faible cascade bien inclinée qui coupait la forêt dense d’épinette qui tapisse les murs escarpés du réservoir. Quand je me suis éloigné pour aller rejoindre l’autre rive et que j’ai vu la cascade au loin, mon esprit s’est mis en mode snowboard. Je me suis dit qu’avec des bonnes conditions hivernales, tenter une descente serait clairement envisageable. Quand je suis revenu chez moi ce soir-là, j’ai commencé à étudier les cartes pour mieux comprendre le secteur. Un couloir d’une dizaine de mètres de large, incliné environ à 30 degrés qui monte sur plus de 200 mètres au beau milieu de la forêt boréale. Il n’en fallait pas plus pour que le projet commence à germer dans ma tête.

Photo: Fernanda Romero

C’est ainsi qu’a débuté un projet bien plus long que prévu. Je suis retourné quelques semaines plus tard avec l’objectif de me rendre au sommet de la chute pour en évaluer le potentiel à partir du haut. C’est pendant cette expédition que j’ai découvert deux autres sections de la cascade qui n'étaient pas visibles à partir du réservoir. J’ai flaggé mon chemin de descente avec la ferme intention de revenir pendant l’hiver.

Malgré mes recherches dans la communauté, personne ne semblait avoir déjà tenté une descente dans ce couloir donc difficile de recueillir de l’information. J’étais aussi conscient que par mesure de sécurité, je devais avoir un partenaire d’aventure expérimenté pour une descente aussi sauvage et engagée. Durant la pandémie, j’ai repris contact avec quelqu’un bien motivée par les expéditions de camping hivernal ; Fernanda, qui est devenue ma partenaire d’aventures. Vers la fin de l’hiver, nous avons ouvert un sentier d’ascension menant jusqu’en haut de la troisième section. Plusieurs expéditions ont été nécessaires pour ouvrir un sentier jusqu’au sommet mais à chaque fois, nous allions toujours un petit peu plus haut. 

Photo: Nathan Boily-Brisson

En espagnol, poquito veut dire un peu. À L’image de ce projet qui durait déjà depuis quelques années, le nom : Couloir Poquito est ressorti pendant une soirée au camp de base, assis devant un feu, au pied de la cascade recouverte de neige. Tous les éléments étaient présents pour enfin réaliser cette descente qui occupait mon esprit et qui me faisait rêver depuis si longtemps.  

L’équipe 

J’ai eu la chance de rencontrer Félix et Denis, des snowboarders expérimentés qui avaient autant soif d’aventure que moi. Je leur ai présenté le projet et ils ont embarqué sans hésiter. L’attrait de l’inconnu et le caractère sauvage de cette descente rendait l’aventure encore plus attirante.

Dans les premières semaines du mars 2021, plusieurs dizaines de centimètres de neige sont tombés sur la région et c’était le bon moment de se lancer à l’aventure pour rider cette magnifique ligne. 

Après quelques échanges, nous convenons d’une date pour notre tentative et nous commençons les préparatifs. Nous allions faire l’approche en ski doo pour faciliter le déplacement. Nous voulions garder nos jambes pour faire un maximum de laps. Cette journée-là, Fernanda et Jean-Philippe ont embarqué dans l’expédition; avec leur expertise de secourisme en milieu éloignée et de photo d’aventure respectivement.

Le jour J

Nous nous étions données rendez-vous au barrage Sainte-Marguerite 2, tôt le samedi matin. Lorsque nous sommes arrivés dans le stationnement sur le barrage, le soleil se levait lentement et des vents soufflaient à plus de 80 km/h sur le réservoir. La neige volait à l’horizontale et foutait chaque parcelle de peau exposée. L’incertitude s’est installée dans notre petit groupe, les conditions seraient extrêmes pendant l’approche car nous devions partir face au forts vents. Connaissant parfaitement le secteur, j’ai vite compris que notre terrain de jeu était bien caché dans une petite baie à l'abri du vent.  Après une courte discussion, nous décidons de maintenir notre tentative. 

Photo: Fernanda Romero
Photo: Jean-Phillip Grenier

Nous sommes embarqués sur le réservoir et l’expérience est brutale. Le vent, amplifié par la vitesse de la motoneige, augmentait considérablement le risque d’engelures. Nous veillons les uns sur les autres pour éviter de se geler le visage. Après ce qui semble être une éternité, on bifurque vers la petite baie où se trouve le couloir.  Arrivés au pied de la cascade, nous sommes parfaitement protégés du vent et sous un soleil radieux. Pourtant quelques dizaines de mètres plus loin, les vents puissants, provenant du nord du réservoir, font rage. Décidément, les astres sont alignés.

L’énergie est à son comble lorsque nous entamons l’ascension, l’objectif est à portée de main. Le sentier durci rend la tâche facile et amusante et en un rien de temps, nous sommes au sommet de la troisième section. L’excitation fait place à la fébrilité de la première descente. Chacun est concentré sur les derniers préparatifs d’équipement avant de s’engager. Fernanda et JP sont restés plus bas dans la cascade pour avoir une vue d’ensemble. Nous avons une radio pour rester en communication en cas de besoins.  Le signal est lancé, drop in dans 30 secondes.

Photo: Jean-Phillip Grenier

C’est moi qui ai l’honneur de m’élancer en premier sur ce terrain vierge. Le départ est sur le haut d’une chute et s’engage rapidement vers un goulot de roche qui débouche sur la section du milieu. À peine je commence à descendre qu’une large plaque de neige, déposée sur une convexité glacée, se détache et dévale la pente sur quelques dizaines de mètres. Un petit rappel que nous sommes en terrain sauvage et potentiellement dangereux. Heureusement, j’étais vraiment au début de la plaque de neige et je n’ai pas été emporté plus bas.  Je poursuis ma descente pour terminer la section supérieure et j’attends Félix et Denis qui choisissent des lignes différentes pour venir me rejoindre. Je profite de l’épais couvert neigeux et des conditions exceptionnelles durant cette magnifique descente tant attendue.

Arrivée à la base du couloir, je peux dire que nous avons complété la descente intégrale, du sommet jusqu’à la base du couloir Poquito.  50 centimètres de neige ont rempli le terrain à la perfection pour nous offrir cette première descente de grande qualité.  Tout l’équipe est euphorique de l’expérience que nous venons de vivre. Sans trop se poser de question, nous remettons nos équipements d’ascensions et nous repartons pour le sommet. 

Nous avons fait 4 descentes cette journée-là pour célébrer la réussite de notre entreprise. Cette journée était le fruit de beaucoup d'efforts et de persévérance au fil des années. La détermination et la patience ont mené à une journée d’exception en hors-piste dans l’est du pays. Une aventure typiquement nord-côtière qui me motive à poursuivre mes explorations afin de découvrir d’autres secteurs de hors-piste sauvages et inexplorés.

Photo: Nathan Boily-Brisson

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