
L'expédition « Soft Svalbard » est née d’un rêve partagé entre amis : partir à la découverte des terres polaires du Svalbard, un archipel isolé situé à seulement 1000 km au sud du pôle Nord. C’est une région d’une beauté sauvage et rude, où les montagnes et les glaciers semblent s’étendre à l’infini, et où l’ours polaire règne en maître. Au printemps, dans ce lieu hors du temps, le soleil ne se couche jamais.
Notre équipe d’Ubac Images est composée de professionnels de la montagne (moniteurs de ski, guides, secouristes), mais aucun d’entre nous n’est un skieur professionnel. Nous sommes simplement des gens ordinaires, animés par une soif d’aventure. Au fil des années, nos projets ont évolué. La question de l’impact environnemental lié à nos activités s’est imposée naturellement à nous, nous poussant à revoir nos modes de transport et à choisir des alternatives plus « douces ».
C’est ainsi que nous avons décidé de partir du sud de la France jusqu’au nord de la Norvège en train, et de terminer notre périple en voilier pour rejoindre le Svalbard. Un moyen de réduire notre empreinte carbone tout en ajoutant une dimension d’aventure et un rythme plus lent à ce projet hors du commun.
Après deux ans de préparation minutieuse, le jour tant attendu est enfin arrivé. Notre aventure débute dans un train, au pied du massif du Mont-Blanc, dans les Alpes françaises. Anthony, Antoine, Julien, Sébastien, William et Claude embarquent, prêts à traverser l’Europe avec plus de 350 kg de matériel. Trois jours et deux nuits de voyage en train nous attendent pour rejoindre Tromsø, en Norvège, en passant par la Suisse, l'Allemagne, le Danemark et la Suède. Voyager en train avec autant d’équipement est loin d’être de tout repos. Mais ce rythme lent nous permet de nous détacher progressivement de nos vies quotidiennes et de plonger pleinement dans l’aventure.
Arrivés à Tromsø, nous quittons les quais de gare pour rejoindre ceux du port, où nous attend Christophe, un capitaine breton expérimenté. À bord de son voilier de 20 mètres, le Lifesong, conçu pour naviguer dans les mers froides, nous sommes prêts pour la prochaine étape. Ce choix de transport ne s’est pas fait par hasard. Christophe, sa compagne québécoise Emmanuelle et leurs enfants vivent à l’année sur ce bateau. Leur vie est un voyage perpétuel, où la mer et la découverte du monde sont au cœur de leur quotidien. C’est un modèle de vie nomade qui nous inspire.
C’est avec une excitation palpable et un peu d’appréhension que nous larguons les amarres. Nous nous dirigeons vers le Svalbard, à plus de 1200 km au nord. Après la fatigue du train, nous devons maintenant nous adapter au rythme du voilier, où chacun prend ses tours de quart, une expérience nouvelle pour certains d’entre nous, accentuée par le mal de mer. À cette latitude, au-dessus du cercle polaire, la nuit a complètement disparu, et cela perturbe encore un peu plus notre rythme.
Après plusieurs jours de mer, la côte du Svalbard apparaît enfin à l’horizon. Ce territoire blanc, recouvert de glaciers, est à la fois fascinant et intimidant. Naviguer à travers les glaces flottantes demande une concentration constante et une grande prudence. Finalement, nous arrivons au port de Longyearbyen, où nous récupérons le reste de notre matériel d’expédition polaire : près de 200 repas lyophilisés, ainsi que des permis et des armes à feu, obligatoires pour se protéger des ours polaires.
Une fois prêts, nous reprenons la mer une dernière fois pour nous faire déposer quelques centaines de kilomètres plus au nord. Dix jours après avoir quitté la France, nous mettons enfin les skis sur la neige. Nous sommes au cœur du Svalbard, skis aux pieds et pulkas chargées derrière nous. C’est un moment presque irréel. Après le train et le bateau, le rythme ralentit encore, et nous nous immergeons pleinement dans cet environnement polaire. Notre vie de nomades peut enfin commencer.
Malgré les charges lourdes et les conditions parfois rudes, nous prenons un réel plaisir à tirer nos pulkas à travers ce désert blanc. Chaque jour, nous montons et démontons le camp avec une organisation rigoureuse pour assurer notre sécurité face aux ours polaires. La nourriture est stockée à distance, et les tours de garde deviennent une partie essentielle de notre quotidien. Filmer notre expédition pour en faire un documentaire ajoute également une dose de complexité à notre logistique, un défi que Will, notre cameraman, relève avec engagement.
Dès le deuxième jour, nous faisons face à des conditions météo difficiles : vent violent, visibilité réduite et neige dure. Malgré cela, nous décidons de partir explorer le terrain. Quelques virages suffisent à nous redonner le sourire, mais nous réalisons vite que dans cet environnement extrême, chaque courbe est précieuse. Le vent laisse place au brouillard et à la neige, réduisant nos possibilités de ski. La fatigue s’installe progressivement : tirer nos pulkas exige de l’énergie, monter le camp aussi, et les tours de garde pour les ours réduisent nos heures de sommeil. Le moral fléchit un peu, mais l'expérience de notre équipe, et les qualités individuelles de chacun mises au service du groupe, nous permettent de surmonter les moments difficiles.
Nous apprenons vite que la patience est notre meilleure alliée ici. Il nous faut nous adapter aux conditions. Les jours suivants, nous restons attentifs à la moindre éclaircie. Enfin, le ciel se dégage, et nous grimpons pour tracer nos premières vraies lignes. Après plusieurs jours d’attente, le moment tant espéré est là. Le « GO » est donné, et nous nous lançons. Les premières courbes sont fluides, l’excitation monte, et nous profitons pleinement de ce moment de pure joie, une récompense après tous les efforts. L’ambiance change, les sourires reviennent. C’est un tournant décisif dans notre expédition.
À partir de ce moment, notre stratégie évolue. Nous restons constamment prêts à partir à n’importe quelle heure, profitant des 24 heures de jour. Le sommeil devient aléatoire, entrecoupé de tours de garde. Un soir, à 21h, la face du Trollslottet, « la montagne des trolls », se dévoile sous un ciel dégagé. Rapidement, nous nous préparons et gravissons ses pentes. La descente, dans la lumière polaire, est un moment inoubliable, une véritable récompense.
Nous enchaînons ensuite avec le Storrollet, une montagne très alpine, avec des pentes raides qui nous attirent dès le premier regard. La gravir sous le soleil de minuit restera gravé dans nos mémoires comme l’un des moments les plus forts de l’expédition.
L’aventure se poursuit au rythme de la météo, alternant moments intenses à la descente, entrecoupés de longues heures d’effort à tracter nos pulkas en silence sur les glaciers, nous offrant des instants privilégiés de contemplation devant la beauté de ces paysages polaires. Et puis nous apercevons la banquise du fjord St John, signe que notre destination finale approche. Le dernier jour de ski, nous gravissons un dernier sommet. La vue est à couper le souffle : les glaciers plongent dans la banquise. C’est un spectacle presque irréel, gravé à jamais dans nos mémoires. La qualité de la neige à la descente est vraiment mauvaise, alternance de glace, croûte et neige sculptée par le vent, mais cela n’affecte pas notre enthousiasme et nous skions avec le sourire aux lèvres.
Alors que nous démontons le camp pour la dernière fois, un sentiment de mélancolie s’installe. Nous savons que la fin de cette expédition est proche, et nous savourons chaque instant. Ce voyage nous a rappelé les valeurs essentielles en montagne : l’humilité face à la nature, la capacité à s’adapter, et la richesse des moments partagés.
Pour nous, la montagne n’a jamais été qu’un simple terrain de jeu. Que ce soit chez nous ou ailleurs, elle est un environnement vivant. Un espace que nous respectons, un habitat que nous partageons avec les espèces locales, un espace qui nous apporte son lot d’émotions et où nous pouvons nous exprimer chacun à notre niveau. Cette expédition s’inscrit dans la continuité de nos projets.
Si loin, nous redécouvrons ce que l’on ne peut plus trouver chez nous : la déconnexion totale, l’isolement et l’engagement. Des mois de préparation et d’attente, qui nous ont fait apprécier chaque seconde de ce voyage. Le ski n’était plus vraiment une fin en soi, mais le vecteur permettant à notre groupe de réaliser un rêve commun : vivre, l’espace de quelques jours, comme des nomades de l'Arctique.
L’expédition Soft Svalbard nous a offert un « Arctic Journey » qui restera gravé dans nos mémoires, un rêve devenu réalité au cœur.
Claude Vallier a passé la majeure partie de sa vie en montagne, d’abord dans les Alpes françaises où il est né, ensuite dans les Pyrénées et le Mont-Blanc, puis au Yukon. Depuis son enfance, il explore la montagne sous toutes ses formes, que ce soit à titre professionnel ou pour son plaisir.
Guide, moniteur de ski et secouriste en montagne, il s’est fait connaître en tant qu’auteur de deux topoguides sur le ski de randonnée, qui sont devenus des références au Yukon et sont vendus à l’international.
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