Lorsqu’on s’aventure en montagne, on rencontre toutes sortes de personnes. Ceux avec l’équipement qui sort de la boutique, d’autres couverts de Seamgrip. Des groupes anarchiques, des duos en mission. Des experts désabusés, et d’autres avides insouciants. Mais dans la plupart des cas, c’est un heureux mélange de tout ça.
Un peu à l'image des connaissances en secourisme: combien de fois avons-nous entendu « hey, on devrait se pratiquer pour telle ou telle chose! », pour réaliser qu’on n’est jamais prêt à sacrifier une journée de ski pour le faire? Et de toute façon « j’ai un cours, et dans le moment, je saurai comment réagir, j’suis sûr! ». Vraiment?
*Avertissement: Une photo de la blessure recousue se trouve à la fin de l'article, nous préférons vous en avertir*
Fidèle à mon habitude, j’ai commencé ma journée tard. Le soleil était encore haut (14h), la température douce (-5 degrés) et les pistes modérément achalandées : une belle journée tranquille en perspective. J’arrive dans le secteur hors-piste, que je ne connais pas, navigue un peu sur le sentier, pose quelques questions, et trouve une piste qui à l’air intéressante. J’entame la descente : la neige est bonne, et le terrain me surprend agréablement; on s’amuse, ça descend bien. « Wow, l’après-midi va être cool! »
Mais tout d’un coup, sans raison, un de mes skis décroche dans un virage. Déséquilibré, je tombe. Un peu par frustration, et un peu par orgueil, je laisse aller un sacre, et je blâme bien sûr l’équipement. Je remarque alors que j’ai déchiré mon pantalon de Goretex neuf « Ah, fais chier! ». Mais en me penchant pour regarder l’étendue des dégâts, je sens une vague de chaleur dans mon pantalon. Je comprends tout de suite : En tombant, j’ai frappé la carre du ski avec le genou, et ça a coupé net. Et profond - on voit des bouts qu’on n’est pas habitué de voir, là-dessous.
Pas de panique, ça n’aidera rien (mais ça « spin » pas pire vite quand même). Je fouille dans mon (très) petit sac à dos pour voir ce que j’ai pour stopper l’hémorragie. « Fuck, ma trousse complète est dans l’autre sac... ». Heureusement, j’ai toujours quelques morceaux de base dans tous mes sacs. Après un peu de gymnastique pour réussir à enfiler le tout sous mon Goretex, sans plier la jambe, je passe à la deuxième étape. À ce stade, j’avais l’intention de me « sortir » seul du secteur. Mais au premier pas, je constate que ça ne passera pas. Dès que la jambe plie, ça coule trop. Je pile sur mon orgueil et j’accepte d’appeler les secours. Mais je réalise que je n’ai pas le numéro de la station. En regardant autour de moi, je constate qu’une 100aine de mètres plus bas se trouve une cabane... et d’autres skieurs en transition. J’enroule ma peau d’ascension par-dessus mes pantalons et le bandage, et je serre le tout avec une « ski strap ». Ça semble faire l’affaire pour sautiller sur un ski, d’arbre en arbre, jusqu’à la cabane.
Les autres skieurs réalisent rapidement que quelque chose ne va pas, et ils viennent me donner un coup de pouce. L’un d’eux a le numéro de la station, et on me met en contact avec l’équipe d’intervention. Quelques minutes plus tard, tout est organisé : je m’installe dans la cabane pour évaluer l’étendue des dégâts, tandis qu’une motoneige est en route.
La suite est simple et efficace : la motoneige arrive rapidement, on descend sans histoire à la station, et à peine a-t-on le temps d’évaluer que tout est encore en place que je suis transféré dans une ambulance. À l’hôpital, le personnel est courtois et efficace, et je suis recousu, comme neuf. Ce soir-là, je soupe à la maison après avoir pu conduire jusque chez moi. Fin de l’histoire.
Sauf qu’en réalité, c’est plutôt là que tout commence, à mon avis. Aujourd’hui, je suis confortablement assis à mon ordinateur pour réfléchir à tout ça, mais plusieurs facteurs auraient facilement pu rendre cet évènement dramatique. Je me propose de vous en exposer plusieurs, mais j’en oublie probablement.
Je l’avoue, je prends pour acquis mon équipement de ski sur le principe que si ça n’a pas l’air brisé, c’est probablement correct. Or, toute cette situation est due à un déclenchement accidentel de ma fixation; je n’ai pas frappé d’obstacle, je n’ai pas sauté quoi que ce soit, ce n’était pas un virage particulièrement agressif...
En analysant le tout par la suite, j’ai constaté que la partie arrière de la fixation avait reculé légèrement avec le temps, et ne s’engageait donc pas bien dans ma botte (sur ces fixations, on parle de quelques fractions de mm). Soyez en mesure de reconnaître les signes d’usure ou de désajustement de votre équipement, et adressez-les!
La température était douce, j’avais moi-même encore chaud de mon ascension, et il faisait toujours jour quand j’ai atteint l’hôpital. Toute cette situation aurait été complètement différente s’il avait fait plus froid, ou si c’était arrivé plus tard dans la journée. Si un seul de ces facteurs avait été différent, l’hypothermie aurait été un enjeu réel, particulièrement avec la perte importante de sang. C'est d'ailleurs probablement le danger principal auquel on fait face au Québec. Avoir une couche chaude de secours et/ou une couverture de survie est toujours une bonne idée.
Lorsque j’ai réalisé que ma blessure était sérieuse et qu’elle risquait de s’aggraver en marchant, j’ai pris la décision d’appeler à l’aide. Mais pour bien des secteurs de ski hors-piste, le signal cellulaire n’est pas disponible. Je possède bien une balise d’urgence, mais le délai pour une telle évacuation ne concorde pas très bien avec une hémorragie et un matériel limité.
S’assurer d’un moyen de communication efficace, et surtout, connaître les limites de celui-ci, peut faire toute la différence. Sachez identifier les endroits où le signal cellulaire s’arrête, où se trouvent des balises d’identification pour les secours, et comment utiliser vos autres outils de communication. Dans mon cas, j’ai aussi négligé d’avoir en main le numéro de la station, car j’ai supposé qu’il se trouverait sur la carte des pistes et/ou sur ma facture de droit d’accès. Dans les deux cas, il n’y était pas. Autrement, n’hésitez pas à appeler le 911!
J’avais bien téléchargé et étudié la carte du secteur hors-piste, et je comprenais globalement où je me trouvais. Mais quel est le meilleur moyen d’évacuer telle ou telle partie du secteur? Vaut-il mieux remonter ou descendre? Est-ce qu’il y a du matériel de secours à certains endroits sur le site? Y a-t-il des pièges à éviter sur le terrain qui compliqueraient beaucoup une évacuation?
Soyons honnêtes: on utilise plus souvent ces cartes pour chercher les plus belles lignes de descente. On oublie trop facilement que des obstacles banals en ski, le sont beaucoup moins bien lorsque notre mobilité est réduite.
La plupart des gens ont assez de jugeote pour comprendre les grandes lignes de ce qui doit être fait en cas d’accident simple. Par contre, peu sont formés pour le faire en milieu éloigné, avec de l’équipement limité, ou pour gérer une évacuation. Une fraction de ceux-là pratiquent régulièrement les manœuvres et se maintiennent à jour. Je constate qu’en ski, j’ai plus souvent considéré des blessures par impacts (commotion, membres brisés) que des lacérations.
Je suis aussi tombé victime de mauvaises habitudes : partir plus léger parce qu’on n’est pas trop loin de la civilisation. Ne pas évaluer les risques adéquatement, parce qu’on veut aller skier. Simplement reprendre notre sac sans questionner ce qui est dedans, même si les conditions ont changé depuis notre dernière sortie...
Se sortir d’une situation fâcheuse, c’est toujours un peu compliqué. Le faire seul, c’est vraiment plus compliqué. Mais que ce soit par manque de partenaires sur nos horaires ou pour le genre de sorties qu’on recherche, ou simplement parce qu’on aime se retrouver seul en nature, certains d’entre nous finissent invariablement par sortir seuls de temps en temps. Il est important de prendre des mesures conséquentes et se rappeler que le danger est plus grand dans ces conditions. L’exemple n’est pas si lointain; la veille, je skiais dans un secteur éloigné, où le cellulaire ne rentre pas, et qui implique une marche de 6 km pour sortir. Idéalement, sortez avec des partenaires, et dans le cas contraire, assurez-vous d’avoir un plan. Avez-vous le nécessaire pour vous en sortir seul? Est-ce que quelqu’un sait où vous êtes et à quelle heure vous êtes supposé revenir?
Un accident peut arriver n'importe où, même dans des situations qui n'ont rien d'extrême ou de sketch. Certaines blessures sont anodines, d'autres peuvent être dramatiques. Il ne faut pas s'empêcher de sortir pour autant, mais mieux vaut être prêt!
Amusez-vous, mais consciemment :)
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