Impacts des changements climatiques sur le ski hors-piste dans l'Est
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Impacts des changements climatiques sur le ski hors-piste dans l'Est

En ce mois de septembre, les changements climatiques sont sur toutes les lèvres. Les élections fédérales, les mouvements de manifestations mondiales et le Sommet Action Climat de l’ONU. Une chose est claire, le climat au pays s’est déjà réchauffé et continuera de le faire sous l’influence humaine 2.

Néanmoins, il est parfois difficile de bien visualiser quels seront les impacts sur notre vie quotidienne. Cet article tente de répondre aux interrogations des skieurs, planchistes, ou tout autre amoureux de l’hiver concernant les changements à venir pour la pratique de leur sport au Québec au cours des 50 prochaines années.

Photo: Félix Savard-Côté Skieur: Pierre-Olivier Bédard

Méthodologie

Les données récemment ouvertes par le gouvernement du Canada permettent d’analyser à l’échelle locale les prévisions du Groupe d’experts intergouvernemental sur l’évolution du climat (GIEC). Plus concrètement, on se questionne sur les effets potentiels pour la pratique du ski hors-piste dans l’Est en analysant les données historiques depuis 1970, il y a 50 ans, et des prévisions jusqu’en 2070, dans 50 ans.

Il est important de comprendre que deux scénarios du GIEC seront comparés. Le premier est un scénario à très faibles émissions de gaz à effet de serre (GES), où le taux d’émissions global serait déjà en déclin aujourd’hui et où l’activité humaine serait carboneutre à partir d’ici 2060 (RCP2.6). Ce qui limiterait l’augmentation moyenne de la température mondiale sous les 2 °C. Essentiellement, c’est le respect de l’Accord de Paris. Le deuxième suppose une approche qu’on pourrait qualifier de « business as usual », alors que les émissions continueront à augmenter selon la tendance actuelle (RCP8.5). Je vous laisse juger lequel est le plus réaliste au moment d’écrire ces lignes.

Pour évaluer l’impact des changements sur le ski hors-piste, trois indicateurs sont considérés : la température moyenne, le nombre de jours de gel et les précipitations annuelles. Cinq points ont été retenus pour l’analyse : la Gaspésie, les Cantons-de-l’Est, les Laurentides, le Saguenay et le Centre-du-Québec (Charlevoix/Côte-de-Beaupré). C’est-à-dire que les données ne représentent pas une moyenne régionale, mais bien un point précis pour la pratique du sport. Ainsi, il est difficile de statuer sur l’effet de l’altitude sur l’extraction des données. La carte ci-dessous indique l’emplacement de chaque point :

Source: https://www.estski.ca/carte/

Température moyenne

Tout d’abord, un coup d’œil aux changements déjà observés à l’aide des données historiques. Depuis 1948, les températures moyennes ont augmenté partout au Canada2. Par contre, ce réchauffement n’est pas uniforme. La carte ci-dessous présente les changements observés (°C) dans les températures annuelles au Canada de 1948 à 2016. Ce qui saute aux yeux, c’est que le nord-ouest du pays s’est réchauffé de façon importante, jusqu’à 3,5 °C depuis 1948. Pendant cette période, l’Est du pays a été relativement épargné. Le sud du Québec s’est tout de même réchauffé plus rapidement que l’Est de la province, mais rien comparé au Yukon.

Changements observés (°C) dans les températures annuelles au Canada de 1948 à 2016 2 

En se concentrant sur l’Est du pays, il est possible d’analyser non seulement les données historiques, mais aussi les prévisions selon nos deux scénarios de référence. Pour évaluer les tendances, une moyenne mobile des 5 dernières années est appliquée. C’est-à-dire que la valeur indiquée pour l’année 2005 est la moyenne des températures pour les années 2001, 2002, 2003, 2004 et 2005.

Grosso modo, il n’y a pas de différences majeures dans les tendances entre les différentes régions selon les données échantillonnées. Depuis 1970, les températures moyennes annuelles des cinq régions ont déjà augmenté d’environ 2 °C 1. D’ici 2070, l’augmentation de température selon le scénario « business as usual » sera d’environ 5 °C par rapport à celle de 1970. Pour le mettre en perspective, cela signifie que Charlevoix aurait un climat similaire à l’Estrie d’aujourd’hui, ou bien que le Saguenay du futur serait plus chaud que les Laurentides actuelles.

Les données sont cohérentes avec une étude du Consortium sur la climatologie régionale et l’adaptation aux changements climatiques (Ouranos) en 2015. Cette étude nous révèle aussi une autre tendance :

Depuis les quarante dernières années, la province s'est réchauffée de 1 à 3 degrés selon les régions et de façon beaucoup plus prononcée en hiver 3

Selon les efforts déployés pour réduire les émissions de GES, l’écart entre les deux scénarios est de 2 °C. Ce qui stabiliserait en quelque sorte la hausse des températures. Le graphique ci-dessous présente les données historiques et les deux trajectoires possibles.

Évolution historique et potentielle de la température annuelle moyenne (1970-2070) en degré °C 1 

Nombre de jours de gel

La température annuelle moyenne est un bon indicateur du climat général d’un endroit. Par contre, dur à dire en quoi ça affecte vraiment la saison de ski. Le nombre de jours de gel dans une année est un meilleur indicateur de la durée de la saison. Logiquement, si les températures annuelles montent, le nombre de jours suit la tendance inverse. À chaque fois que la température descend sous zéro pour une journée donnée, le jour compte pour un jour de gel. Bref, pas besoin que le mercure soit sous 0 °C pour la journée entière.

Encore une fois, les tendances sont similaires entre les régions. Depuis 1970, nous aurions déjà perdu une vingtaine de jours de gel dans une année. L’écart entre les deux scénarios est encore plus parlant que pour la température moyenne. Si nous décidons de continuer de suivre le mode « business as usual », nous perdrons de 22 à 26 jours de gel supplémentaires par rapport à si des efforts significatifs sont déployés 1. C’est presque un mois complet de différence en 2070. Presque un mois de moins avec des chances de voir tomber de la neige...

Évolution historique et potentielle du nombre de jours de gels (1970-2070) 1 

Précipitations annuelles

Au niveau des précipitations annuelles, il est plus difficile d’analyser les tendances en raison du point de congélation. En effet, il ne sert pas à grand-chose à un skieur de savoir combien de millimètres équivalents d’eau tomberont dans l’année. Ce qui compte, c’est les précipitations sous forme de neige.

Pour ce faire, il faut se fier aux scientifiques du climat qui ont des ordinateurs beaucoup plus puissants que le mien et qui sont en mesure de croiser différents modèles. Le résultat est la carte ci-dessous. Cette carte se base sur le scénario d’émissions « business as usual ».

L’indicateur utilisé est l’équivalent en eau de neige maximal (EENmax). La carte montre le pourcentage de variation par décennie selon la région. C’est-à-dire que pour la période de 2020 à 2030, on peut s’attendre à une diminution de -2,5 % à -10 % de la quantité de précipitation qui tombe sous forme de neige selon la région du Québec2. Cette tendance serait la même pour 2030 à 2040 et pour 2040 à 2050.

En analysant la carte, on remarque que la variation la plus marquée dans l’Est touche les maritimes. Règle générale, l’équivalent en eau de neige maximal semble diminuer de façon plus importante dans les zones côtières. Au Québec, c’est la région de Gaspé qui semble le plus touchée avec une baisse projetée de l’équivalent en eau de neige maximal qui pourrait être supérieur à -10 % par décennie.

Le reste de la Gaspésie et l’Estrie verront une diminution entre -5,0 % et -7,5 % par décennie. Le reste de la province sera moins affecté avec une diminution entre -2,5 et -5,0 % par décennie.

Tendances projetées de l’équivalent en eau de neige maximal (EENmax, % par décennie) pour la période de 2020 à 2050 2 

Conclusion

Le but de cet article était d’établir les grandes tendances régionales et de voir si certaines régions de l’Est seront plus, ou moins, affectées par les changements climatiques.

Ce que nous avons constaté :

  • Les changements annoncés sur une échelle globale ne représentent pas la réalité locale ;
  • La température moyenne dans les régions à l’étude a déjà augmenté de 2 °C depuis 50 ans et augmentera encore de 3 °C supplémentaires d’ici 50 ans selon le scénario du « business as usual » ;
  • Dans 50 ans, les choix que nous faisons aujourd’hui pourraient entraîner une différence de presque un mois par année au niveau des jours de gel ;
  • La plus grande variation quant au type de précipitations s’observera dans les maritimes et en Gaspésie.

Bref, le ski sera encore possible dans l’Est du Canada à l’horizon 2070 selon les scénarios étudiés. La saison sera de plus en plus courte et avec moins de précipitations sous forme de neige.

Ces conclusions sont cohérentes avec celles formulées par le consortium de recherche Ouranos dans son analyse économique des mesures d’adaptation aux changements climatiques appliquée au secteur du ski alpin au Québec publié en janvier dernier. En 2050, l’étude prévoit une réduction de 10 à 20 jours d’opération pour les stations de ski en 2050 par rapport à 20204. Cette diminution ne devrait pas compromettre la capacité à opérer au-dessus du seuil minimum de 100 jours de ski4.

Les stations de ski disposent d’une certaine capacité d’adaptation, principalement en raison de leur capacité à fabriquer de la neige artificielle. La pratique du ski hors-piste est beaucoup plus vulnérable aux aléas de la nature. Est-ce que le futur du sport au Québec se résume à skier du damé durci ? La décision se prend dès aujourd’hui.

Sources

  1. Environnement et Changement climatique Canada (2019). Portail des données climatiques.
  2. Gouvernement du Canada (2019). Rapport sur le climat changeant du Canada.
  3. Ouranos (2015). Vers l'adaptation. Synthèse des connaissances sur les changement climatiques au Québec. 2015e éd.
  4. Ouranos (2019). Analyse économique .Analyse économique des mesures d'adaptation aux changements climatiques appliquée au secteur du ski alpin au Québec.

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