Expédition Akami-Uapishkᵁ : premières descentes à ski aux monts Mealy au Labrador
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Expédition Akami-Uapishkᵁ : premières descentes à ski aux monts Mealy au Labrador

Vous l'attendiez peut-être ? Voici enfin le récit des gars d'Estski et des Loners aux monts Mealy au Labrador, qui s'est déroulé au printemps dernier. Dans ce premier texte, Olivier Dion revient sur cette expédition pas mal plus au nord que d'habitude.

Préambule au voyage :

Fidèles à nos habitudes, Tom et moi avons tout fait pour avoir un plan qui sorte de l’ordinaire. L’idée des monts Mealy au Labrador est née d’on ne sait trop où, mais Tom en a fait une obsession. Le tout s’est concrétisé lorsqu’il a trouvé le moyen d’y accéder (merci spécial à Jamie, car sans lui et son Ski-Doo, on n’y serait jamais arrivé).

Il ne restait qu’à trouver des amigos, et à élaborer le plan pour passer un bon séjour au camp de vacances des Mealy.

La distribution finale :

  • Thomas Thiery (Tom) : organisateur principal
  • Mathieu Martel (Math) : responsable de la nourriture
  • Jean-Philippe  (JP) et Olivier Dion (Oli) : professionnels de la neige et de premiers soins en régions isolées
  • Émile Dontigny (Émile) et Charles Bernier  (Charles) des Loners : ils s’en tiennent à leur Loneries (c'est-à-dire capter les images)
Dans l'ordre, Thomas Thiery, Olivier Dion, Mathieu Martel, Jean-Philippe Poulin, Émile Dontigny et Charles Bernier - Photo de Charles Bernier et Émile Dontigny.

Nous avons ensuite trouvé plusieurs partenaires pour des prêts d’équipement et donation de nourriture. Quelques heures avant le départ, nous étions prêts pour l’aventure (lire ici que quelques imprévus nous ont poussé à l’improvisation).

Il est également à noter que suite à la demande de Math d’organiser une expédition avec bouffe 100% végétale, nous lui avons légué l’entièreté de la responsabilité de la nourriture. L’expédition était donc végétalienne sur toute la ligne.

De mémoire d'Olivier Dion, il n'avait jamais vu autant de bouffe végétale de sa vie - Photo de Charles Bernier. 

Jour 1-2 : Transport jusqu’à Happy Valley-Goose Bay

Le vrai départ de Montréal - Photo de Charles Bernier.

À bord d’un Ford Transit de location, les gars passent me prendre à Québec. À mon arrivée dans le stationnement du Wal-Mart, cinq ski bums et une panoplie d’équipement éparpillée par terre m’attendent. Après répartition du matériel, nous partons.

Gros étalage de matériel sur le stationnement du Wal-Mart - Photo de Charles Bernier.

Je n’avais jamais rencontré Émile, Charles et JP. L’entièreté de ma confiance était basée sur les paroles de Tom, qui peuvent parfois être difficiles à décoder lorsqu’on le connaît mal. Après coup, je peux dire que malgré notre degré d’expérience limité initialement, il m'avait convaincu que nous avions une solide équipe.

Après 16 heures de route et un passage devant le barrage Manic 5, c’est décidé, nous restons dormir à Fermont. Je paie la chambre sans avertir que nous sommes six. La réaction de la dame de l’accueil est épique quand elle nous voit tous : « Tab@/$ */, vous êtes une gang. » Nous finissons autour d’une grosse bière au légendaire Fer-Tek.

Nous nous déplaçons vers Happy Valley-Goose Bay le lendemain. À mesure que l'on se rapproche de la ville, nous sommes de plus en plus impressionnés par la grosseur des bancs de neige et l'excitation devient palpable. On fait deux petits arrêts. Le premier pour essayer d'apercevoir les montagnes blanches de l’autre côté (en Innu : Akami-Uapishkᵁ)  depuis le village de North West River.

Tom rêveur devant la majesté et l'immensité d'Akami-Uapishkᵁ - Photo de Charles Bernier.

Et l'autre pour voir notre set-up de Ski-Doo et rencontrer Jamie. Quatre planches de deux par quatre nous attendent pour 140 km sur la banquise.

Jour 3 : Début de l’expédition

La journée débute au lever du soleil, au bord de l'énorme lac Melville. Le but de la journée, c'est de quasiment le traverser en Ski-Doo.

Jamie nous prévient que ses derniers jours ont été chauds et que de l'eau s'est glissée entre les couches de glaces. Les locaux sont confiants. Ils connaissent par cœur cette grande étendue de glace un peu traître.

Il fait autour de 0°C cette journée-là, et le véhicule s’enlise dans la slush à plusieurs reprises.

Nicholas, l’ami de Jamie, nous sort cette phrase clef :

« A bad day in the slush is always better than a good day at work! »

Math seul au milieu de la slush - Photo Charles Bernier.

Arrivé à notre point de départ 5 heures plus tard, il nous ressort un bijou, grand philosophe :

« We are not nowhere, but we can see nowhere from here. »

L’expédition est lancée. Après 10 km de peau de phoque, suivant un ruisseau parfois découvert, nous établissons un camp temporaire.

Autour de la cuisine temporaire, un petit vent de panique s’installe lorsqu’on se rend compte qu’un des brûleurs a de la difficulté. Kérosène et Nafta ont été confondus lors de l’achat. Rien de bien grave lorsqu’on a les buses de rechanges pour les brûleurs. Autre apprentissage de JP contre son gré : le choix de l’emplacement de neige à faire fondre est important. Quelques gouttes de kérosène s’étaient retrouvées dans sa Nalgene.

Cuisine temporaire du camp 1, là où l'on a vraiment appris à se connaître - Photo d'Émile Dontigny.

À partir de ce moment, l’heure n’a plus d’importance pour nous. Nous mangeons quand nous avons faim, revenons de skier quand il commence à faire noir, dormons lorsque nous sommes fatigués et nous levons lorsque quelqu’un se lève avant nous et nous fait chier.

Jour 4 : Approche finale

Nous rangeons notre équipement et entamons la quinzaine de kilomètres qui nous sépare de l’emplacement de notre véritable camp de base. Émile connaît le chemin par cœur, mais les distances restent floues pour nous. Au bout de 8 heures d’approche, notre caravane aperçoit enfin les 1000m+, remplis de neige fraîche. Une fois le camp de base monté, la température descend rapidement sous les -20, puis sous les -30 pas mal certainement. Il est 21 h. On sort les doudounes, et on consomme des substances réconfortantes.

En sortant de la cuisine, j’aperçois de majestueuses aurores boréales. C’est alors que les Loners sortent de la tente et commencent leur Loneries, munis de leurs appareils photos par -30°C. Au bout de quelques dizaines de minutes, je perds la sensation de mes orteils et de mes doigts, je passerai à côté du ménage de la cuisine et de la corvée complète d’eau. Je vais sous la tente et conseille aux autres de faire de même, l’hypothermie nous guette. J’angoisse à l’idée de me réveiller avec un cas d’hypothermie à gérer dans le groupe le lendemain matin…

Photo d'Émile Dontigny.

Jour 5 : Première descente

Au petit matin, tous ont à peu près eu chaud la nuit. Hormis quelques orteils à récupérer au travers des chaussons glacés, tout est gérable. Une journée de « blue bird », de la poudreuse encore légère plein les pentes, quoi demander de mieux ?

Première journée sans les gros sacs à dos, une journée parfaite - Photo Charles Bernier.

On se fixe un petit objectif le matin. En voyant la grande face de 600-700m de vertical, on se décide d’aller skier du terrain plus engageant finalement. Le niveau d’énergie est bon, le moral des troupes aussi. Les conditions d’avalanches sont parfaites pour qu’on se lance dans les pentes raides sans trop de souci.

JP met les pieds sur le sommet le premier, après 4 heures d’ascension. La vue est imprenable, mais un sommet reste un sommet, et la plupart du temps, ce n’est pas un endroit où prendre son sandwich.

Le consensus est obtenu, j’effectuerai la première descente des monts Mealy. Poudreuse parfaite sur un vertical de 600m et plus. Je suis tellement « FUCKING STOKED » que j'en ai même oublié d'attendre l'équipe de tournage.

Émile Dontigny laissant une quatrième première trace sur cette montagne - Photo Thomas Thiery.

Jour 6 et 7 : Ski et ski

Les jours qui suivent, nous skions plusieurs faces différentes. Lonerie par-ci, poudreuse par-là, la température avoisine le point de congélation et le vent avait fait son effet. Le ski reste néanmoins excellent. Le dernier jour de ski, nous nous affairons à trouver de la neige de printemps parfaite. Après les -30°C de la première nuit au camp de base, ces deux jours nous paraissent comme la température parfaite!

Olivier Dion dans le dernier push de l'ascension du deuxième sommet des Mealy - Photo Thomas Thiery.
Charles Bernier pour une run d'extra - Photo Thomas Thiery

C'est aussi cette journée-là où nous nous sommes rendus compte que la botte d'Émile ne tenait que par magie. Il n'en fallait pas plus pour réveiller en Math l'ingénieur qu'il est. En prenant quelques pièces de réparation du brûleur, la botte d'Émile est réapparue comme neuve.

La botte comme neuve d'Émile - Photo d'Émile Dontigny.

Jour 8 : Retour en entier

Au matin, nous décidons de faire le chemin en entier vers le lac Melville, où Jamie est censé nous ramener vers la civilisation. Puisque notre seul contact avec lui est un texto via un téléphone satellite, il n'y a pas vraiment d'autre options pour nous. Nous devons nous rendre au lac malgré la tombée de la nuit.

Avant de partir, pendant la déconstruction du camp, je pose une question banale : Où est Émile ? Je ne l'avais pas aperçu depuis une demi-heure, et son équipement de photo n'était pas avec lui. On le cherche pour finir par le trouver en train de nettoyer ses vêtements près de la toilette (trou de neige). Il était tombé dedans. Ce n'était pas le premier accident de toilette du voyage. Thomas a été obligé de gratter la pelle de JP après avoir manqué son coup en voulant enterrer son travail. Du chaud sur du métal froid, ça glace directement...

On finit vers minuit au lac Melville, avec des débuts de pieds de tranchées, et la gorge un peu sèche. C'est la fin du périple en montagne.

Jour 9 et 10 : Vers la civilisation

Jamie arrive vers 8 h du matin, emportant avec lui quelques bières. Le chemin du retour se fait en quelques heures. Après douche et souper au resto, Tom et moi nous affairons à faire la rencontre des locaux dans un des bars du village. Les autres resterons à la chambre pour dormir. Trois bières pour cinq dollars dans un lieu où Inuits, métis et blancs se côtoient dans une ambiance festive. Tom et moi avons notre fix du voyage.

Regardez les merveilleuses bières que Nicholas tient dans ses mains - Photo Thomas Thiery.

Le lendemain, retour vers la ville. Je me fais débarquer à Fermont, où je travaillerai le lendemain. J'invite quand même les gars à prendre une classique poutine Chez Barbie, le casse-croûte du Mur. La suite de la route sera encore longue pour le reste de l'équipe mais il se fera d'une seule traite et sans encombre.

Pour aller plus loin, voici le guide de ski des monts Mealy

Merci à nos partenaires pour cette expédition : Gusta, MEC, Black Diamond, Nemo Equipement et BioBon.

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