
L’idée de Freeride sur la côte Est peut sembler étrange aux oreilles de plusieurs skieurs québécois, il en reste qu’un circuit existe en Nouvelle-Angleterre depuis 2010 et depuis trois ans, des événements du même type existent au Québec. Depuis la compétition inaugurale en janvier 2022, le projet gagne le cœur des amateurs de « East-Coast Freeride » québécois et américain.
C’est au Mont-Édouard qu’a eu lieu la première compétition de Freeride en sol québécois. En raison de la pandémie, la réunion des athlètes devait se tenir à l’extérieur malgré les températures glaciales typiques d’un matin de janvier au Saguenay. La centaine de participants écoute les directives en grelottant, mais l’énergie et l’anticipation réchauffent l’atmosphère.
Les inscrits arrivaient de partout au Québec pour faire leur première descente jugée dans la discipline et même certains juges prenaient place sous la tente pour la première fois. Le mercure, bien en dessous de zéro, n’allait pas arrêter des skieurs et skieuses motivés pour la journée.
Bien qu’il y ait déjà eu quelques événements du même genre, c’était la première fois que la IFSA sanctionnait une compétition au Québec. Cette organisation est liée au Freeride World Tour, et son arrivée permet aux athlètes québécois d’amasser des points valides pour les classements officiels du freeride mondial. Le tout a fait naître la possibilité pour des skieurs locaux de se qualifier pour des événements de plus grande envergure ailleurs en Amérique. De plus, la structure des compétitions et les critères pour le pointage sont les mêmes partout; ce qui permet de se familiariser avec le sport sans prendre l’avion. On retrouve maintenant des compétitions de freeride dans plusieurs régions du Québec. Certaines stations accueillent un événement tous les hivers tels que le Massif du Sud ou le Mont Édouard, et il y a des surprises à chaque saison. La saison dernière, une compétition 3 étoiles à presque eu lieu au Mont Orford, sauf que l’hiver capricieux de 2023-2024 a forcé l’annulation de l’événement. Avec un peu de chance, la tenue d’une première compétition de plus haut niveau au Québec aura lieu bientôt.
De plus, le sport est populaire dans le nord-est américain. Le « Ski the East Freeride Tour » fut le premier circuit à voir le jour en Nouvelle-Angleterre. Autrefois, le gagnant du classement général se qualifiait directement pour le Freeride World Tour. Ce n’est plus le cas aujourd’hui, car les compétitions sont aussi gouvernées par la IFSA aux États-Unis. La qualification se fait donc par les classements de la région 2 comme n’importe où en Amérique de Nord, incluant le Québec. Une journée de freeride en Nouvelle-Angleterre est une expérience unique. La culture du sport est plus ancienne aux États-Unis. Il y a normalement plus de participants et le niveau de ski est intéressant. L’Université du Vermont organise même une équipe de freeride !
Les compétitions ont lieu dans des stations mythiques du Vermont comme Stowe, Jay Peak et Smugglers Notch. Le terrain de ces stations est parfait pour ce type de ski. Par exemple, les Face Chutes accueillent l’épreuve de Jay Peak lorsque la météo le permet. Ma compétition préférée aux États-Unis est la seule 3 étoiles dans le nord-est qui se déroule à Smugglers Notch. Le terrain à forte inclinaison est parsemé de gros cliffs sur un long dénivelé. C’est aussi en dessous d’une chaise que ça se passe; il y donc toujours des spectateurs pour encourager les athlètes. Étant la seule épreuve de plus haut niveau dans la région, les inscriptions sont presque toujours complètes, et les ski bums viennent de partout sur la côte Est pour participer au « Smugglers Notch Extreme Challenge ». L’an dernier, quelques athlètes de la côte Ouest avaient fait le détour et il y avait même un membre de l’équipe de freeride chinoise… sans blague. Cette épreuve est souvent combinée à celle de Stowe (station voisine) dans la même fin de semaine, ce qui la rend encore plus populaire.
Honnêtement, je n’ai jamais bien skié à cette compétition. C’est surtout l’une de mes journées favorites à chaque la saison, parce que c’est une célébration du ski east-coast. Le type de ski avec lequel j’ai grandi et appris le sport. C’est une célébration du ski marginal du nord-est, qui est loin d’être parfait, mais que j’affectionne particulièrement.
On s’entend, le terrain au Mont Édouard est loin de ce qu'on voit sur le freeride world tour. Cette station est l’une de mes préférées dans l'est sauf que doit rester réaliste; même les meilleures station de la province n’ont pas le même terrain que dans l’ouest. Par contre, plusieurs stations ont des pistes qui permettent la tenue de compétition de niveau 2 étoiles et plus. Dans la même lignée, les conditions de neige peuvent être variables lors des compétitions; c’est du ski de la côte Est. Contrairement aux épreuves de plus haut niveau, les épreuves deux ou trois étoiles ne bénéficient pas d’une période de deux semaines durant laquelle la compétition peut se tenir. Les participants doivent donc faire ce qu’ils peuvent avec la météo de la date annoncée.
On a vu de tout, des journées de poudreuse incroyables, des champs de bosses durcies, du gazon, des branches, des racines et la légendaire glace de l’est vient parfois faire son tour. Ajoutez les rochers nécessaires à la pratique du sport et vous avez du terrain très technique dans lequel le contrôle est la clé. Sans dire qu’on ne voit pas régulièrement des rotations, le terrain est moins propice pour les « tricks », car il y a peu de place à l’erreur. Les juges étant conscients de la difficulté imposée par le terrain sont doublement impressionnés par ces rotations. Une réception d’atterrissage dans un champ de bosse non travaillé est très différent d’un champ de poudreuse. Selon moi, c’est une bonne préparation pour le plus gros terrain, il faut être vraiment solide techniquement et précis dans son ski. C’est très représentatif de ce qu’on skie régulièrement en pratiquant le sport dans le nord-est. On a donc affaire au terrain typique de la côte Est et ses conditions habituelles. Le genre de ski marginal dont seuls les maîtres de la « Ice Coast » ont le secret.
Tel que mentionné plus tôt, la première compétition 3 étoiles au Québec a failli avoir lieu l’hiver dernier. Cela aurait ajouté une deuxième épreuve de ce niveau sur la côte Est donnant du même coup une opportunité aux athlètes locaux d’amasser significativement plus de points au classement. Pour ceux qui sont moins familiers avec le fonctionnement du freeride, les points amassés dans n’importe quelle compétition en Amérique du Nord sont comptabilisés ensemble. Le nombre de points est déterminé par le niveau de l’épreuve, allant d’une à quatre étoiles, ainsi que le classement final du participant. Les points sont valides pour une période de 365 jours et ils permettent de se qualifier pour des épreuves de plus haut niveau. Ainsi, les compétitions 3 étoiles sont les meilleures opportunités d’améliorer son classement en restant dans le nord-est. Participer aux événements ici devient donc intéressant pour ceux qui désirent poursuivre leur pratique du sport ailleurs. Nous n’en sommes pas encore à la tenue du « Mur des Pats Pro 4* », sauf qu’il y a définitivement de la place pour des compétitions de plus haut niveau dans le nord-est; des deux côtés de la frontière.
Les opportunités de progression sont bien réelles, plusieurs freeriders québécois sont allés participer à des compétitions sur des plus hauts sommets en utilisant les points qu’ils ont gagnés ici. Cette saison, une snowboardeuse d’Ottawa a participé à sa première compétition freeride au Massif du Sud en janvier. Au mois de mars, elle était rendue au Colorado pour la première épreuve du IFSA Challenger nord-américain. En combinant des résultats des deux côtés du continent, elle a terminé 9e dans la région 2, se qualifiant du même coup pour ces trois épreuves de qualifications pour le Freeride World Tour. Les points sont aussi utiles pour s’inscrire à des épreuves de plus bas niveau. Avec la montée en popularité du sport dans l’ouest du continent, il peut être difficile d’obtenir une place sans aucun point. J’ai rencontré des athlètes du Colorado dans des 2* au Vermont, car il était impossible pour eux d’obtenir un premier départ sans point dans leur région. Donc, même pour s’inscrire à une 2* dans l’Ouest, les points acquis dans l’est sont un atout.
Les compétitions québécoises sont aussi une excellente opportunité de s’initier au sport. Elles sont plus faciles d’accès et le terrain est plus familier pour quelqu’un habitué de skier au Québec. Le terrain est aussi bon pour apprendre les bases et progresser tout en commençant à accumuler des points. L’ambiance est toujours accueillante pour ceux qui s’initient aux compétitions et il est plus facile d’obtenir une place pour commencer. Il y a également une catégorie junior pour initier les plus jeunes. Au Québec, les compétitions junior ont lieu en même temps que les adultes, mais elles sont tenues à des dates différentes aux États-Unis
Pour certains, les compétitions locales sont l’occasion parfaite pour débuter et évoluer dans le freeride. Pour les plus habitués, c’est parfait pour rester en contact avec le sport et la communauté tout en se donnant des opportunités d’aller plus loin.
Une compétition de freeride débute tôt le matin. En ajoutant la route, ce n’est pas rare de se lever avant le soleil. L’enregistrement se fait normalement avant l’ouverture de la station, tout comme la réunion des athlètes. C’est lors de celle-ci que les organisateurs donnent les informations essentielles au déroulement de la journée tel que l’heure des départs, les critères d’évaluation, les consignes de sécurité et autres. Suite à cette courte rencontre, les participants effectuent une descente d’inspection afin de planifier leur descente. Il est important de préciser que ce n’est pas une descente de pratique. En fait, aucune répétition n’est permise avant la compétition. La descente jugée est donc un premier essai, ce qui augmente de beaucoup la difficulté pour les skieurs surtout lorsqu’on arrive dans une nouvelle station. En attendant leur départ, les concurrents alternent entre regarder la compétition et des descentes d’échauffements ailleurs sur la montagne.
Une fois la compétition terminée, les participants se regroupent pour des « party laps » comme on dit dans le milieu. Il reste normalement quelques heures pour skier avant la remise des prix. Avec d’autres freeriders et freerideuses de partout sur la côte-est, c’est une bonne occasion d’agrandir son cercle social de ski bums. C’est toujours agréable de se retrouver entre passionnés. Je pense que c’est une partie importante de l’expérience, surtout qu’on voit souvent les mêmes visages aux différentes compétitions.
D’un point de vue plus sportif, l’expérience est tout aussi excitante. Faire une descente dans du terrain accidenté en passant sa limite au maximum amène une belle dose d’adrénaline, même si on n’est pas sur le sommet d’une grosse montagne. La nature du sport est d’aller toujours plus vite, plus haut ou de faire des plus grosses rotations et le faire dans le terrain raboteux des collines québécoises amène un challenge différent. C’est un moyen de se donner un nouveau défi, quelque chose qu’un skieur expert peut avoir de la difficulté à faire dans les stations du Québec. L’aspect compétitif amène à sortir de sa zone de confort, essayer d’améliorer un peu son niveau pour faire mieux que la dernière fois.
La remise des prix termine la journée. C’est à ce moment que les résultats sont dévoilés, lors d’un après-ski typique. C’est l’occasion de se remémorer les meilleures lignes, les ventes de garages ou les plus beaux tricks.
De plus, la tenue des compétitions dans des stations un peu partout dans le nord-est, permet de découvrir des nouveaux endroits. C’est aussi une bonne excuse pour retourner visiter vos stations préférées. Ça prend pas grand chose pour me convaincre d’aller au Massif du Sud ou au Mont Mansfield et les événements de freeride en ont été la raison plusieurs fois. Je n’avais jamais skié à la Réserve avant la compétition en 2022 et j’accepte maintenant de subir l’autoroute 15 pour m’y rendre lorsque la neige est belle. Si les concours ont lieu dans une région plus éloignée, c’est une belle opportunité d’aller passer une fin de semaine dans le coin et de découvrir le hors-piste autour. Lorsque la météo collabore, le résultat est une fin de semaine de ski incroyable avec un bon mélange de hors-piste et de poudreuse en station. C’est doublement spécialement de les partager avec un groupe de crinqués qui sont dans la région pour la compétition.
Selon moi le point fort du freeride au Québec, l’ambiance est toujours super positive malgré l’aspect compétitif des événements. Les organisateurs font toujours des efforts supplémentaires pour ajouter à l’expérience. Il y a régulièrement des événements organisés en parallèle aux compétitions, que se soit en ski ou pour l’après-ski.
Au premier abord, l’ambiance peut sembler tendue. Le début de la journée n’est pas le moment le plus social, car il est tôt le matin et la compétition n’a pas encore eu lieu. C’est surtout durant la descente d’inspection qu’on voit ressortir le côté plus compétitif des athlètes. Ils gardent leur stratégie de descente secrète ou la partagent seulement avec leurs amis proches. C’est bien d’avoir des conseils sur notre ligne, sauf que ce n’est pas nécessairement bon que tout le monde soit au courant non plus. Ça reste une compétition, et les athlètes la prennent avec différents degrés de sérieux. Pour certains, le résultat peut être crucial afin de se classer pour la compétition qu’ils souhaitent faire plus tard dans l’hiver. Par contre, la compétition n’a pas nécessairement besoin d’être avec les autres. Faire une descente de freeride, c’est bon pour sortir de sa zone de confort en ski. L’objectif est de faire une descente dans un terrain naturellement difficile en flirtant avec les limites de ses capacités. Le niveau varie avec les skieurs et se dépasser peut vouloir dire bien des choses. C’est aussi l’occasion de voir ou est notre niveau de freeride par rapport aux autres passionnés du nord-est. Néanmoins, durant la compétition ce n’est pas les encouragements qui manquent. L’adrénaline et le fait de voir d’autres participants skier des belles lignes rapprochent les athlètes. Une fois la descente de compétition terminée, tout le monde se demande comment leur descente s'est passée ou se félicite pour leurs exploits avec le sourire. Les commentaires sont toujours positifs peu importe le résultat, ce qui aide à faire avaler la pilule lorsqu’on ski mal. Rendu aux « party laps », on oublie qui étaient nos adversaires quelques heures plus tôt.
J’ai déjà effleuré le sujet plusieurs fois, mais c’est une belle expérience de partager des descentes avec des ski bums de partout sur la côte-est. Depuis la réouverture des frontières après la pandémie, les communautés du Québec et de la Nouvelle-Angleterre tissent des liens à travers les compétitions. On échange nos histoires des Chics-Chocs contre celles de la chaîne Présidentielle et on discute de nos stations d’origine dans les chaises. En descendant, tout le monde fait un effort pour bien skier et on a souvent un local pour nous montrer le chemin vers les plus beaux recoins de la station. Bon ou mauvais résultat, le détour vaut la peine pour ces descentes là et pour les rencontres qu’on y fait.
Depuis maintenant trois ans, il y a un groupe d'habitués de ces événements dont je fais partie. L’an dernier nous nous sommes organisés pour aller faire les compétitions de Stowe et Smugglers Scotch qui avaient lieu la même fin de semaine. Nous avions prévu du hors-piste sur le mont Mansfield entre les deux sauf que la météo n’a pas collaboré… Nous sommes allés faire les touristes à Burlington à la place. Aucun d’entre-nous ne se connaissait avant la tenue de la première compétition au Saguenay en 2022 et très peu d’entre nous avait de l’expérience dans le freeride. Trois ans plus tard, partis des quatre coins du Québec et d’Ottawa, nous prenions une bière dans un pub du Vermont en discutant de la compétition 3* que nous allions faire le lendemain à Smugglers. 2024, c’est le record non-officiel de participants québécois à cette classique du Vermont et probablement le record de podiums aussi !
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