Le mois d'avril tire à sa fin, et les skieurs se font de plus en plus marginaux en Haute-Gaspésie. Jack, Will et moi faisons partie de ceux qui délaissent les journées plage du Mont Albert pour partir à l'aventure. Cette année, on va skier au Colorado, endroit connu pour ses 14ers (58 sommets de plus de 14 000 pieds ou 4 267 mètres), sa saison de mountaineering de mai-juin ainsi que ses habitants un peu grano, fans de Grateful Dead et porteurs de bottes de cowboy.
Notre plan, prendre une vieille Pontiac Vibe, des piolets et des sacs de couchage pour ensuite skier le plus de dénivelé possible dans cet état mythique. On part l'après-midi du 2 mai et on prend 3 jours pour se rendre à Denver. (Ça se fait facilement en 2 jours avec plusieurs conducteurs, Google Maps dit 27 heures pour faire de Montréal à Denver.)
Par défaut de ne rien connaître de mieux, on se rend à Breckenridge, ville touristique au cœur du Front Range, endroit connu pour ses multiples centres de ski (encore ouverts pour la plupart) et sa position clé au cœur d'une infinité de montagnes. On se fait un petit campement et on remarque quelque chose assez vite: il suffit de se pencher pour ramasser quelque chose et on devient essoufflé. Eh bien, ça ne sera pas drôle dans la prochaine semaine. Le lendemain, on skie dans le coin de Loveland Pass, et comme de fait, une seule descente à 4 000 mètres et j'ai l'impression d'avoir viré une brosse sans m'en rendre compte.
Les jours qui suivent sont pénibles, Will et Jack réussissent à aller skier Arkansas Peak (4 205 mètres) pendant que j'agonise dans une auberge de jeunesse à Leadville (Inn the Clouds, 3 120 mètres). Mal de tête, pas faim, pas soif, brûlé. À ce stade, le Colorado, c'est raide. Difficile de choisir où aller skier dans l'immensité du terrain, la variabilité des conditions, l'inexactitude de la météo, l'incertitude de l'état des routes et tout ça, sans données cellulaires à quêter le Wi-Fi des McDonald's pour regarder Spotwx, les groupes Facebook et les blogues de comptes rendus de voyage de 1 à 2 heures par jour. On profite de notre temps à Leadville pour skier notre premier 14er: le mont Elbert (4 401 mètres), le 14er le plus haut et aussi l'un des plus faciles. Conditions très hivernales: vent, poudreuse et groupe d'alpinistes alaskiens sont au rendez-vous.
Heureux de notre journée, on profite de notre descente du plus haut sommet du Colorado pour changer d'objectif: quitter le Colorado pour skier les plus hauts sommets du plus d'État possible en 1 mois.
Les jours qui suivent sont assez libérateurs au niveau de la planification. On conduit jusqu'au plus haut sommet de l'État sur notre chemin, on vérifie rapidement la météo et les conditions de neige, on campe, dort, se réveille, prend du café, déjeune et on s'en va en haut.
Notre itinéraire: Wheeler Peak (Nouveau-Mexique, 4 011 mètres), Humphreys Peak (Arizona, 3 852 mètres), Las Vegas (Nevada, 5 624 bières), Mont Whitney (Californie, 4 421 mètres) et la chaîne de volcans du Pacifique Shasta (Californie, 4 321 mètres), Hood (Oregon, 3 429 mètres), Adams (Washington, 3 743 mètres), St-Helens (Washington, 2 549 mètres) et Rainier (Washington, 4 392 mètres).
Le début de cet itinéraire implique beaucoup de voiture dans le désert, pas d'air climatisé et des conditions très, très printanières. La quantité de neige record de l'ouest américain en 2023 nous aura permis de skier chacune des montagnes, mais de peu. Heureusement, la météo et les conditions devraient commencer à être meilleures à partir du Nord de la Californie…
On traverse le désert du Nouveau-Mexique, l'Arizona, le Nevada et le parc national de la Death Valley pour finalement arriver en Californie et skier le mont Whitney. On campe près de Lone Pine avec notre ami Vince qui arrive de Golden. Il fait chaud, mais c'est la dernière fois qu'on va devoir camper dans le désert avant de remonter vers le nord. Et c'est aussi la dernière fois que la clutch de la vieille Pontiac Vibe décide d'exister.
Plus de clutch. Heureusement que Vince est là, on peut aller skier Whitney, dans la première semaine d'ouverture du chemin d'accès. On passe proche de vendre la voiture à la ferraille. Finalement, on parle, parle, jase, jase, et on trouve 2 mécanos (Ramon et Freddy), qui acceptent de changer la clutch à temps perdu.
5 jours d'escalade dans les Alabama Hills, de 12-pack de bières, de 2 pour 1 au McDo et de patience plus tard, on est de retour dans la bonne vieille Pontiac Vibe sans air climatisé. Vince nous quitte et on se met en route vers le mystique volcan Shasta.
Les volcans pour moi, c'est le rêve. Une montée typiquement simple, des points de vue hallucinants et des descentes extrêmement longues dans des conditions printanières souvent incroyables. Un volcan, c'est aussi une question de timing. C'est presque impossible d'avoir du corn parfait sur 2 000 mètres de dénivelé. Il faut arriver au sommet quand la neige commence à dégeler. 30 minutes de retard et ton 2 000 mètres de ski parfait se transforme en 2 000 mètres de patates pilées bien collantes.
Ski un volcan ça implique:
Notre séquence volcan-journée de repos se termine au pied du Mont Rainier, en essayant d'apercevoir nos virages sur la face nord-est et déjà lointaine du géant de l'État de Washington. On a mal partout et on a hâte de mettre les skis dans la boîte de toit et de s'asseoir pendant 4 jours pour revenir au Québec, sans air climatisé…
Skier dans l'ouest américain au printemps en résumé:
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