Entrevue de Dominic Boucher
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Entrevue de Dominic Boucher

L'équipe EstSki est allée à la rencontre de Dominic Boucher, directeur général d'Avalanche Québec. Vous croiserez peut-être ce Québécois une pelle et une sonde dans les mains en Gaspésie. On revient avec lui sur son parcours et les aspects de son métier. Voici le troisième volet de notre série d’entrevues autour de ces visages gaspésiens.

Premier tour du mont Albert à 8 ans en 1983 ! Crédit : Fabien Boucher

Quand et comment as-tu commencé à faire du ski hors-piste en Gaspésie ?

Je suis originaire d’un petit village qui s’appelle Price, à côté de Mont-Joli. Je viens en Gaspésie avec mes parents depuis l’âge de 5 ans. Quand on m’a proposé d’étudier dans un endroit comme ici, j’ai sauté sur l’occasion. Ça m’a permis de mélanger le ski et mon travail.

Je me suis établi dans la région en 1998, pour écrire ma maîtrise, qui portait sur les avalanches au mont Hog's Back.

Comment t’es venue l’idée d’étudier les avalanches en Gaspésie ?

Je suis géographe de formation. J’ai travaillé avec un laboratoire de recherche en géomorphologie pendant mon bac et ma maîtrise et je me suis impliqué dans un programme de recherche sur les avalanches, mené par un de mes professeurs, Bernard Etsu, qui visait à faire un inventaire complet des phénomènes avalancheux en Gaspésie. J’ai aussi collaboré sur d’autres projets de maîtrise qui touchaient aux avalanches en été. En utilisant la dendrochronologie (NDLR : en étudiant les cernes des arbres), on peut remonter de 100 ans – 200 ans pour déterminer s’il y avait eu des avalanches ou non. Par la suite, on est capable de corréler les variations climatiques avec les cycles d’avalanche. Mon intérêt pour les avalanches vient vraiment du milieu universitaire.

Une collègue avait travaillé au mont Albert dans la Cuve des Mélèzes, un autre avait travaillé à Mont-Saint-Pierre sur les couloirs et moi, j’ai récupéré le couloir nord du mont Hog’s Back qui a un régime d’avalanche différent des autres. À la même époque, un collègue a fait un doctorat sur le sujet, synthétisant les résultats des trois études.

À l’époque, le tourisme se pointait déjà et ce n’était pas rare que des gens nous racontent que quelqu’un avait été pris dans une avalanche. On a retrouvé des équipements dans le couloir où j’ai travaillé. Ça démontrait qu’il y avait de plus en plus d’interaction entre les gens qui fréquentaient le territoire et les avalanches. C’était suffisant pour stimuler la recherche.

Une autre journée au bureau au mont Albert en mars 2014. Crédit : Julie LeBlanc

Après tes études, es-tu resté en Gaspésie ?

Avant de terminer ma maîtrise en 2000, j’ai été approché par le directeur de la MRC de la Haute-Gaspésie, Michel Thibeault, et je n’ai pas eu vraiment le temps de chercher un emploi, parce qu’il m’a demandé d’initier le projet du centre d’avalanche.

As-tu considéré partir travailler dans l’ouest à cette époque ?

Depuis que je travaille là dedans, je suis allé une soixantaine de fois dans l’ouest pour les stages, les congrès et les rencontres. Les premières années, je passais de grandes parties de l’hiver dans l’Ouest canadien pour faire des formations et pour prendre l’expérience. J’aurais pu aller dans l’ouest et faire autre chose, mais j’avais une belle opportunité à développer ici en Gaspésie.

Quelle est l’influence européenne sur ce que l’on fait au Québec sur la gestion des avalanches ?

La vision d’Avalanche Québec, autrefois le Centre d’avalanche, était d’adopter les standards canadiens pour offrir un service similaire à ce que l’on retrouve dans l’ouest, où il y a une bonne reconnaissance internationale. C’est plus facile de travailler à l’intérieur du pays plutôt qu’à l’étranger pour avoir du support financier. On n’a jamais fermé les yeux sur ce qui se fait ailleurs dans le monde, notamment en France ou en Suisse, qui restent des modèles à suivre pour peaufiner nos affaires si on veut améliorer nos services de base

Premières opérations sur le terrain d’Avalanche Québec en 2002. Crédit : Stéphane Gagnon

Comment le sport a évolué depuis ton arrivée en 1998 ?

L’évolution du sport est fulgurante. La fréquentation a explosé ici, fort probablement en réponse à tous les efforts de développements, de publicité, des services qui sont offerts, comme les services de guides et d’informations. Maintenant pour faire les premières traces, il faut presque dormir dans le stationnement. Aux premières lueurs du matin, il y a déjà des gens dans le parking qui partent avec les frontales. C’est assez fou l’engouement que cela a créé.

Les médias ont beaucoup parlé de l’essor du ski hors-piste dans les Chic-Chocs. On en parle aussi abondamment sur les réseaux sociaux. Quel est l’impact sur la fréquentation ?

Pendant que les stations de ski doivent être très originales pour attirer du monde, on voit ici une augmentation de 20 % sur une base annuelle. On est devenu une destination d’importance dans l’est de l’Amérique du Nord. On voit des Québécois, des gens des Maritimes, de l’Ontario, du Nord-Est américain. On s’aperçoit qu’ils sont de plus en plus formés et informés.

Profil de neige aux Champs de Mars en février 2011. Crédit : Stéphanie Lemieux

Comment les normes sécuritaires ont évolué depuis 20 ans ?

La première fois que j’ai mis un DVA dans mon cou, c’était les fameux SOS noir et jaune, les gens ont trouvé que j’avais un bien cool mp3. Il y avait du chemin à faire ! Il fallait expliquer pourquoi on portait ça et pourquoi ils dépenseraient 300 $ pour en acheter un. Maintenant, c’est plus la norme et ceux qui ne veulent pas le porter font cavalier seul, parce que les pratiquants s’autorégulent entre eux. J’ai souvent vu des gens dire « Si tu n’as pas ton DVA, tu ne viens pas avec nous », ou encore « Si tu ne fais pas ton cours cette année, je suis désolé, tu ne viens pas avec nous ». Ça prouve que le bout de chemin qu’on a fait en prévention, puis en sensibilisation, commence à porter fruit. Il reste toujours du travail à faire, mais je constate que les gens sont mieux informés et mieux équipés, et ils deviennent très performants dans leur sport.

C’est donc un constat plutôt positif alors même que ça commence à être saturé dans les endroits les plus accessibles ?

Oui, mais avec cet engouement, ça crée une raréfaction du territoire et quasiment une surutilisation des terrains skiables.

Une autre journée au bureau au Champs de Mars en février 2017. Crédit : Julie LeBlanc

Comment le sport pourrait-il évoluer au cours des prochaines années ?

C’est certain qu’on souhaite que le sport continue à se développer. D’un point de vue économique, c’est très bon dans une région comme la Gaspésie. Il faudra continuer de développer des secteurs, comme ce qu’on retrouve au mont Lyall, et d’autres, plus isolés ou plus exclusifs, avec des services de guides. Je pense entre autres à Vertigo Aventure, qui est un bon exemple de développement.

À part le secteur Blanche-Lamontagne, tous les secteurs se trouvent en terrains avalancheux, sur des pentes de 30 degrés et plus. Faudrait-il développer plus de terrains pour les débutants ?

Mon souhait est de continuer de voir des endroits qui s’ouvrent pour tous les niveaux, comme sur le mont Ernest-Laforce, dont plusieurs sites accessibles et qui offrent des types de pente sur lesquelles je serais bien à l’aise d’amener ma fille.

Comment la gestion de la sécurité a-t-elle évolué chez les adeptes de ski hors-piste ?

Au niveau des accidents sérieux, il n’y a pas vraiment d’évolution, c’est comme stable. Il y a entre deux et cinq incidents plus majeurs par année et une dizaine d’incidents moins importants. Probablement une centaine de close call, mais c’est difficile de se prononcer.  L’an passé, un accident sérieux avec deux personnes est survenu sur le mont Albert, mais pas vraiment d’autres incidents majeurs par la suite.

Comme gestionnaire de programmes de sécurité avalanche, on aime voir cela comme le résultat positif des campagnes de prévention. La fréquentation augmente, le nombre d’accidents reste stable et c’est le même constat à l’échelle canadienne. C’est juste difficile de le démontrer, car on n’a pas de compteurs à l’entrée des sentiers.

Trois conseils de Dominic Boucher

  1. Prendre une formation le plus tôt possible pour ajuster nos comportements à nos décisions
  2. Prendre de l’expérience
  3. Rester modeste face à la montagne : évoluer graduellement
Sans les bonnes informations, on construit une expérience sur des croyances et on a plus de chance qu’on se fasse surprendre ou de se faire prendre dans une avalanche. Si on va chercher la bonne base et après on construit là-dessus, je pense que l’on a plus de chances de skier et de multiplier les années sans faire d’erreurs et se faire prendre.

Dominic Boucher

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