André Beaulieu : “Notre expérience en montagne était une expérience de centre de ski”
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André Beaulieu : “Notre expérience en montagne était une expérience de centre de ski”

André Beaulieu fait partie des figures incontournables pour qui s’intéresse au ski en Gaspésie. Originaire de Sainte-Anne-des-Monts, il a grandi avec la montagne et vu évoluer la pratique du ski dans ce territoire de plus en plus prisé par les skieurs hors piste. EstSki s’est entretenu avec lui. Voici le premier volet d’une série d’entrevues autour de ces visages gaspésiens. Il partage avec nous ses premières sorties en hors piste il y a plus de 40 ans, son amour inconditionnel de la montagne et son sentiment face à l’évolution de la pratique du ski en Gaspésie.

Lyall poudreuseSki dans la poudreuse au Mont Lyall. Skieur André Beaulieu. Photo Steve Deschênes

En quelle année as-tu commencé à skier en hors-piste en Gaspésie?

Dans la famille, chez nous, on a toujours skié en centres de ski. Mais avant d’aller dans les centres de ski, j’ai pratiqué sur une montagne pas très loin de chez nous. J’utilisais des skis dans l’entrée qui provenaient probablement d’un de mes frères qui était plus vieux. C’était des skis en bois complet, avec des fixations qui ressemblaient un peu aux premières fixations de télémark (un système de cage de métal en avant, une courroie par-dessus et une fixation à corde qui tenait le tout). Cela ressemblait un peu au télémark mais c’était vraiment minimaliste.

Les premières randonnées en montagne ont donc été avec la famille. Avec mes frères aînés, on a toujours roulé là-dedans. Dans les années 69-70, ils allaient faire du ski au mont Albert. Il me semble que j’étais trop jeune et ils ne voulaient pas m’amener avec eux, fait que j’ai connu mes premières sorties en 1971 avec l’un de mes frères et un autre copain. On allait passer des fois une semaine en montagne ensemble. Ce qui nous faisait sortir de là à l’époque, c’était plus le manque de nourriture que d’autres choses. On aimait cela énormément.

Quand les centres de ski fermaient dans la région, on se tournait vers les montagnes pour aller skier, la montée appuyés avec les skis de travers, les bottes dans le dos.

Ski de printemps au Mont Albert en mai 1971. À gauche Louis Beaulieu, à droite André Beaulieu. Photo André Beaulieu.

Peux-tu nous décrire justement l’équipement hors piste à cette époque? Utilisiez-vous des peaux?

Non du tout, on était vraiment en skis alpins et on montait avec les bottes. On montait en randonnée dans le chemin qui est devenu le ruisseau Isabelle, qui monte jusqu’au mont Albert jusqu’au refuge de la Serpentine. Un peu avant le refuge, vis-à-vis le lac, il y avait une coulée côté sud sur la gauche en montant. C’était cette coulée-là qui contenait le plus de neige. On profitait de la neige en gros sel et du beau temps pour s’amuser toute la journée.

Vous y alliez plus au printemps?

Oui, on était là au mois de mai à peu près, pour avoir assez de neige pour pouvoir circuler plus facilement.

Ta pratique du ski a-t-elle influencé tes choix professionnels par la suite?

J’ai toujours été dans un domaine à l’extérieur de cela. Ici à cause des études, on se ramassait autant à Québec qu’à Montréal, donc très loin. Par la suite, quand j’ai commencé à travailler, je suis revenu en région, plus dans le Bas-Saint-Laurent. En hiver, je passais mes journées de congé et mes fins de semaine en montagne. J’avais le goût du ski dans les jambes, et j’aimais beaucoup ça. Du ski alpin, on a passé tranquillement pas vite vers le ski de fond. Si le ski alpin nous permettait de faire de belles descentes, le ski de fond nous permettait de parcourir de plus longues distances.

Puis du ski de fond, on a transféré vers le télémark vers la fin des années 70. C’était vraiment spécial à l’époque. Je me rappelle de cette boutique à Montréal, la Boutique Suisse sur Saint-Denis, qui était la première boutique qui vendait des skis. On nous disait en rentrant dans le magasin : “Lève ton bras en l’air!”, et tes skis allaient généralement à la hauteur des poignets. Donc j’ai skié longtemps sur des 2,10m et des 2,15m. C’était quand même assez grand. J'ai pratiqué le télémark durant 15 ans, avant de revenir au mode alpin et au ski de haute route, parce que fondamentalement je demeurais un skieur alpin. Alors quand j’ai découvert les skis de station transformables, cela a vraiment été la joie.

Mont AlbertSki de printemps au Mt Albert 1968. Skieur à gauche Vic Pelletier et à droite Émile Beaulieu. Photo Émile Beaulieu.

À tes débuts, y avait-il beaucoup de monde en montagne?

Durant cette période, c’était très rare de voir du monde. Cela pouvait arriver certaines années de croiser des gens qui restaient au chalet de l’autre côté du lac (relire l’article de Réjean Théberge). Dans ces cas-là, on était nostalgique de prendre une marche et de traverser, mais on se trouvait presque à une heure du chalet, et on n’avait pas de chaloupe pour traverser le lac puisqu’elles étaient toutes du côté du chalet. À la fin des années 70 début des années 80, ce chalet était presque devenu un refuge d’hiver. Énormément de monde y allait. Il y avait toute une ambiance autour de cet endroit, qui n’existe plus présentement.

Aviez-vous entre vous des connaissances de la montagne (conditions avalancheuses, types de neige, …)?

Du tout. Je te dirais nulles, nulles, nulles. Notre expérience était vraiment une expérience de centre de ski. On n’avait même pas entendu parler d’avalanche. Au mont Albert, j’ai vu des avalanches de neige dans la cuve où on allait qui étaient énormes. On comprenait un peu le phénomène mais pas plus que ça. La sensibilisation de ces dernières années depuis la création d’Avalanche Québec a fait en sorte que les gens sont maintenant plus attentifs à ces aspects.

Mais au tout début, non. De toute façon, on y allait plus souvent dans une période (au printemps) où le danger d’avalanche dans les secteurs où on skiait n’était pas très élevé. C’est sûr qu’on ne s’aventurait pas près des corniches. On ne se promenait pas non plus sur le bord pour voir de quoi cela avait l’air. Par la suite, quand on a été plus en ski de fond et qu’on a couché dans la montagne, c’était une préoccupation. Disons qu’on connaissait les secteurs plus dangereux que d’autres.

À quel moment vous êtes-vous formés?

Dès le début des années 80, on s’est formé puisqu’à Rivière-du-Loup, il y avait l’Institut du plein air québécois (IPAQ) qui existait et qui donnait des formations un peu partout. À partir du moment où sont nés les premiers organismes qui ont travaillé sur la gestion des refuges et le transport de bagages, les gens ont été plus sensibilisés à ça. Ne serait-ce qu’aux déplacements en montagne et à la gestion des risques de déplacement. Ce n’était pas nécessairement à cause des avalanches mais en raison de l’hiver avec les facteurs éoliens, l’habillement... Cela faisait partie des premières formations qu’on a eues.

Du ski alpiniste en fin de saison dans le secteur des Mines Madeleine. Grimpeur Stéphane Gagnon. Photo André Beaulieu

Tu as connu la montagne avant la création du Parc. Comment perçois-tu l’évolution de la montagne avec la hausse de la fréquentation et les restrictions liées au Parc?

Les restrictions par rapport au Parc de la Gaspésie ont commencé au début des années 80 lorsque le gouvernement du Québec a décidé de créer le réseau des parcs québécois. Avant cela, c’était des parcs autonomes. En créant ce réseau, les parcs ont été séparés en deux catégories : récréation ou conservation. Le Parc de la Gaspésie, à la suite d’audiences publiques en 1982, est devenu un parc de conservation. L’accès à la montagne est alors devenu un peu plus réglementé. Cela ne prenait pas de permis. La fréquentation vers le massif du mont Albert a augmenté sauf que plus de monde des fois amène plus d’exagération.

Au début des années 90, la vis avait déjà resserré beaucoup. On ne pouvait plus camper dans le massif ni aller n’importe où. Fait que là, avec les gens avec qui je skiais, on s’est tourné naturellement dans la Réserve faunique des Chics-Chocs où c’était plus facile de faire des descentes. De là est né le Mont Hog’s Back, le Champ-de-Mars, la Blanche-Lamontagne. Au départ, cela prenait la forme de travaux entre amis afin de réaliser des pistes pour rentrer jusqu’au pied de la montagne. Par après, avec un organisme qui existait à l’époque, des projets d’aménagement ont suivi.

Maintenant c’est plaisant parce qu’il existe une plus grosse structure avec la COOP Accès Chic-Chocs qui gère beaucoup le développement à l’intérieur. Nous autres, on a vu l’évolution et c’est merveilleux de voir le monde skier un peu partout dans des montagnes qui sont accessibles. Le seul point dommageable, c’est que les développeurs ont pris du temps avant d’allumer sur l’intérêt de l’activité hivernale. Et encore là, ils sont toujours en retard sur les usagers qui vont et développent les affaires. Ils n’ont pas encore visualisé la vague de ski hors-piste qui s’en vient.

Il y a beaucoup de monde présentement. On s’en rend compte, les locaux, depuis quelques années. Avant cela, faire les premières traces fraîches, c’était facile. Mais maintenant, on est rendu à l’étape où si tu veux faire une trace le matin, faut que tu partes à la noirceur. Aujourd’hui, les descentes classiques sont fort occupées (Hog’s Back, Lyall, Blanche). Parce que dans le fond, les gens vont toujours aller dans les mêmes secteurs à leurs premières visites, là où les gens se tiennent pour skier dans un contexte qui est d’une certaine façon plus sécuritaire. Mais quand tu commences à connaître un peu le circuit et l’environnement, cela t’amène à d’autres coins qui sont vraiment très intéressants. La place paraît parfois limitée mais je dirais au contraire que la place est immense. Il y a énormément de potentiel. Et le fait d’être dans la Réserve faunique te donne un peu plus de latitude que dans le Parc.

C’est sûr que personnellement, j’aimerais que les secteurs du Parc soient plus accessibles mais on peut comprendre à un moment donné que pour la tranquillité de tout le monde, il y ait moins d’ouverture comme ça.

Mont Gordon
Expédition à ski au mont Gordon dans l'arrière pays de Lac Louise. Guillaume Gagnon, Stéphane Gagnon et André Beaulieu. Photo : André Beaulieu.

As-tu des conseils à délivrer à ceux qui découvrent ce sport et qui commencent à découvrir la Gaspésie? En terme d’équipement, de formation, etc.?

Comme je suis de plus en plus sensibilisé au risque d’avalanche (en tant qu’administrateur à Avalanche Québec), je te dirais que l’information et la sensibilisation au risque d’avalanche sont les points les plus importants. Les gens ont à s’informer. À l’heure actuelle, il existe énormément de points d’information qui ont été mis en place concernant les conditions en montagne. Même avant de partir, à partir des centres urbains, les gens peuvent connaître l’état du ski en montagne et voir comment cela se passe. Par l’intermédiaire de la SEPAQ également qui gère les centres d’information à l’intérieur des parcs.

Outre cela, il faut toujours penser à être en groupe, et toujours considérer qu’on est dans une région éloignée. S’il arrive un problème, il faut au moins avoir une idée de la manière dont le groupe va réagir parce que souvent les gens rentrent en montagne, y vont en après-midi, sans savoir que la noirceur arrive tôt durant l’hiver, surtout au mois de janvier. S’il arrive un problème, ils devront penser à se débrouiller entre eux, parce que les secours des fois tardent à arriver, et que se débrouiller par leurs propres moyens pourrait leur faire gagner du temps.

Pour le reste, en terme d’expérience et d’habilité de ski, la plupart des gens qui se ramassent ici en montagne ont déjà une expérience. De plus en plus de centres de ski organisent des zones blanches qui permettent aux skieurs qui le souhaitent d’expérimenter cette technique et c’est très bien comme ça.

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